Timothy Egan, président-directeur général de l’Association canadienne du gaz :
C’est la première fois qu’un ministre est chargé du secteur du gaz naturel. Pourquoi était-il important pour le gouvernement de l’Alberta qu’un ministre soit affecté à ce secteur?
L’honorable Nally : Nous avons du gaz naturel en abondance en Alberta, mais malheureusement, cette industrie est en pleine tourmente depuis un certain temps. Bon nombre de nos producteurs de gaz naturel, en particulier de gaz sec et peu profond, perdaient des recettes depuis des années lorsque je suis entré en fonction. Le prix du gaz naturel AECO, à son plus bas niveau de l’été, était de -0,10 $. Certaines entreprises étaient au bord de la faillite, et personne n’en tenait compte. C’est pour cette raison que l’industrie a présenté sa propre feuille de route pour la reprise,1 qui comprenait un certain nombre de recommandations qui, selon elle, pourraient sauver les producteurs de l’Alberta. Ce rapport a été fourni au gouvernement précédent, qui l’a ignoré. Dans sa sagesse, le premier ministre Kenney a vu que le secteur du gaz naturel était très prometteur pour notre province et constituait un atout important pour les Albertains et les Canadiens. La création du poste de ministre associé du secteur du gaz naturel était essentielle pour garantir la mise en œuvre des recommandations de la feuille de route. L’énergie est un portefeuille de haute importance dans notre province, et le gaz naturel n’a malheureusement pas toujours reçu l’attention qu’il mérite.
Egan : En ce qui concerne la livraison, nous constatons que le taux de croissance de la clientèle est plus de deux fois supérieur au taux de croissance de la population canadienne. Les Canadiens veulent avoir un meilleur accès au gaz naturel, on le sent. Et pourtant, de nombreux décideurs d’autres secteurs se montrent très critiques à l’égard du produit et de l’industrie. Selon vous, que devrait faire l’industrie pour inciter ces décideurs à faire leur part?
Nally : Je me pose quotidiennement cette question, ainsi qu’à mes conseillers et à mon ministère. C’est une bataille difficile : nous sommes confrontés à une opposition organisée et bien financée, et non à des mouvements de base, et il est important que nous soyons tous prêts à défendre l’industrie du gaz naturel. Ici, en Alberta, l’opposition s’aligne sur des groupes environnementaux extrêmes comme Extinction Rebellion, et les députés préconisent d’intégrer ce type de perspectives dans nos salles de classe. Il est frustrant pour moi, en qualité de ministre responsable du gaz naturel, de constater une ignorance délibérée des faits, car il y a de nombreuses raisons pour lesquelles le gaz naturel est un choix sensé, que ce soit pour l’économie canadienne ou pour la réduction des émissions mondiales. La meilleure chose que nous puissions faire pour réduire les émissions à l’échelle mondiale est d’acheminer notre gaz naturel vers les marchés internationaux et de faire passer au gaz naturel les centrales électriques au charbon. Nous encourageons donc l’industrie et ses défenseurs à communiquer fermement que nous devons mettre l’accent sur le changement climatique à l’échelle mondiale si nous voulons créer un impact significatif sur l’environnement.
Egan : Pensez-vous que l’industrie en fait assez pour faire passer ce message?
Nally : J’ai vu l’industrie faire beaucoup de choses ces derniers mois en produisant du matériel de communication dans l’intention suivante : arrêter de nous excuser pour l’excellent travail que nous accomplissons. C’est un pas dans la bonne direction, mais je pense que nous devons faire plus. Il doit y avoir un effort collectif de mobilisation entre tous les intervenants, de l’amont à l’aval, pour promouvoir les ressources de l’Alberta.
Egan : Une partie du défi auquel l’industrie est confrontée ces derniers temps est la pression exercée pour interdire les nouveaux raccordements au gaz naturel. Plusieurs municipalités d’Amérique du Nord ont adopté des interdictions à cette fin. Récemment, le gouverneur de l’Arizona a promulgué une loi visant à interdir les interdictions, c’est-à-dire à recourir à l’autorité de l’État pour empêcher les municipalités de promulguer des interdictions. Les provinces disposent d’une autorité semblable. Est-ce une chose que vous envisageriez?
Nally : À ce stade, je dirais que cela n’est pas nécessaire en Alberta, car la grande majorité des Albertains reconnaissent qu’un développement énergétique responsable est vital pour notre province. Les Albertains acceptent le fait que le développement énergétique responsable, comme en fait foi le gaz naturel, fait partie de la solution et non du problème. Mais permettez-moi de dire que si cela devenait nécessaire, notre gouvernement agirait très certainement. Nous avons été élus dans le cadre d’une campagne de défense et de lutte pour l’industrie énergétique de l’Alberta et nous avons bien l’intention de tenir notre promesse.
Egan : Surveillez-vous ce que les autres provinces font à ce sujet? Avez-vous des alliés ailleurs au pays qui partagent vos idées?
Nally : Oui, c’est le cas. Le message que j’ai reçu des investisseurs mondiaux est que nous devons présenter un front unifié, d’une province à l’autre et conjointement avec le gouvernement fédéral. Et je suis heureux de dire que les gouvernements, tant au niveau provincial que fédéral, adoptent le gaz naturel. Ils sont favorables à l’acheminement du gaz naturel d’un bout à l’autre du pays et de notre GNL vers les marchés mondiaux.
Egan : Comme vous l’avez fait remarquer, le GNL offre des débouchés importants au Canada. En plus des possibilités d’exportation mondiales que le GNL peut offrir, les membres de l’ACG font également valoir ses éventuels débouchés pancanadiens, comme le ravitaillement des navires. Pouvez-vous nous parler de ce que d’autres industries comme la nôtre et les gouvernements peuvent faire pour continuer à faire progresser le secteur canadien du GNL, tant au niveau national qu’international?
Nally : Tout ce que nous pouvons faire pour promouvoir le GNL sera une bonne chose, vous avez raison. Nous pensons généralement à amener notre gaz naturel aux voies maritimes, mais nous possédons aussi la technologie nécessaire pour développer des unités de liquéfaction à petite échelle qui nous permettraient de transporter le GNL par camion jusqu’aux communautés éloignées. Bien sûr, nous préférerions que des gazoducs soient construits dans ces communautés, mais je suis toujours encouragé par l’innovation dont l’industrie continue de faire preuve lorsqu’elle est confrontée à divers obstacles.
Egan : L’industrie du gaz naturel s’efforce de faire progresser l’innovation tout au long de la chaîne de valeur grâce à notre Fonds Gaz naturel financement innovation (GNFI). Cela comprend les nouvelles technologies d’extraction, de traitement, de transport et d’utilisation finale. Quelle est votre opinion sur le programme d’innovation et que devrions-nous faire de plus?
Nally : L’un des messages que j’adresse aux investisseurs mondiaux est que nous avons fait un travail phénoménal pour miser sur l’énergie propre. Le GNL qui est exporté au large de la côte Ouest est déjà l’un des moins polluants au monde et je suis fermement convaincu que la dernière goutte de GNL utilisée sur la planète devrait provenir d’ici même, en Alberta, car ce sera la plus écologique. Des technologies environnementales sont développées dans les démocraties occidentales comme le Canada, et nous devons continuer à encourager l’industrie à investir dans ces technologies et dans des programmes comme le GNFI afin que nous puissions continuer à rendre nos produits énergétiques encore plus propres.
Egan : Vous avez des enfants et êtes titulaire d’une maîtrise en éducation, ce qui vous donne une perspective particulière sur l’alphabétisation. Que pensez-vous de la question énergétique au Canada, chez les jeunes mais aussi chez les adultes? Pensez-vous qu’il faut mettre davantage l’accent sur ce point? Quelles en sont les répercussions sur les discussions portant sur l’énergie et l’environnement?
Nally : Eh bien, quand on regarde ce qui s’est passé avec Coastal Gaslink, beaucoup de manifestants n’ont pas compris pourquoi ils dressaient des barricades, alors oui, il faut absolument mettre davantage l’accent sur la compréhension de l’énergie, en particulier dans notre système scolaire. Nous devons sensibiliser nos jeunes au rôle important que le gaz naturel et le développement responsable de l’énergie jouent dans notre vie quotidienne, à la fois chez nous et ailleurs dans le monde. La plupart des jeunes Canadiens d’aujourd’hui ne sont pas conscients du rôle important que jouent les Albertains dans le développement responsable de l’énergie, dans la lutte contre le changement climatique et dans la réduction de la pauvreté énergétique dans le monde. Les programmes d’études et l’éducation jouent certainement un rôle important en ce sens. C’est un enjeu primordial.
Egan : Vous occupez ce poste depuis près d’un an (le Ministre Nally a été assermenté le 30 avril 2019). Avez-vous des réflexions sur le travail que vous avez accompli jusqu’à présent, sur ce que vous avez appris et sur les points sur lesquels vous pourriez vous concentrer à l’avenir?
Nally : Nous avons roulé à cent à l’heure, mais je suis très fier de l’équipe que nous avons mise en place et des choses extraordinaires que nous avons pu accomplir. Nous avons adopté une approche très collaborative avec l’industrie pour apporter de la stabilité à l’AECO et aussi pour fournir un allégement fiscal bien nécessaire aux producteurs de gaz sec, grâce à mon collègue, le ministre Madu (ministre des affaires municipales). À l’avenir, nous allons continuer à nous concentrer non seulement sur les infrastructures en Alberta, mais aussi sur l’acheminement de notre gaz naturel jusqu’aux voies maritimes. Les produits pétrochimiques joueront également un rôle important dans le portefeuille du gaz naturel. Les produits pétrochimiques représentent actuellement le plus grand secteur manufacturier de l’Alberta, ce que la plupart des gens ne savent pas. Nous continuerons donc à promouvoir l’Alberta en tant que destination pour les installations pétrochimiques de classe mondiale et à examiner comment nous pouvons continuer à miser sur la chaîne de valeur du gaz naturel.
Egan : Monsieur le Ministre, en ce qui concerne l’ensemble des hydrocarbures, quelles solutions de rechange existent et comment le secteur de l’énergie peut-il jouer un rôle dans certaines de ces solutions? Deux d’entre elles sont le gaz naturel renouvelable et l’hydrogène. Des recherches sont en cours en Alberta sur l’hydrogène, et il se trouve que le gaz naturel pourrait en être une source importante. Avez-vous des idées à partager à ce sujet?
« Le gaz naturel provenant du bassin de l’Ouest canadien – peut permettre de réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre et la pauvreté énergétique de manière très concrète ».
Nally : Nous reconnaissons que l’hydrogène jouera un rôle important à l’avenir. La transition énergétique prend du temps, mais nous jugeons que l’hydrogène en sera un élément important. Notre gouvernement soutient l’industrie énergétique de l’Alberta, ce qui signifie que toute l’énergie doit être développée de façon responsable.
Egan : Merci d’avoir pris le temps de nous parler. Y a-t-il quelque chose en particulier que vous aimeriez ajouter dont nous n’avons pas discuté, relativement à votre rôle de ministre associé du secteur du gaz naturel ou à notre rôle de porte-parole de l’industrie de l’approvisionnement en gaz naturel au Canada?
Nally : Le message que je voudrais transmettre est le suivant : le gaz naturel provenant du bassin de l’Ouest canadien est propre, sûr et d’origine éthique. Il peut permettre de réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre et la pauvreté énergétique de manière très concrète, et nous avons besoin de l’aide de l’industrie et de ses défenseurs pour promouvoir ce message, que ce soit au Canada ou à l’étranger.
Note : Le 24 mars 2020, le secteur de l’électricité a été ajouté au portefeuille de l’honorable Dale Nally, qui a été assermenté comme ministre associé du gaz naturel et de l’électricité pour la province de l’Alberta.