Le Canada a publié un nouveau plan carbone. Qu’est-ce que cela signifie pour les consommateurs et l’accessibilité financière? Quel type de leadership faudrait-il pour soutenir les Canadiens?

Les points de vue et opinions exprimés dans cet article sont ceux des auteurs et ne reflètent pas nécessairement la politique ou la position officielle de l’Association canadienne du gaz

Par Tim Powers

Le 11 décembre 2020, le Premier ministre canadien Justin Trudeau a annoncé ce que son gouvernement a décrit comme « le plan climatique renforcé du Canada » [traduction], officiellement intitulé « Un environnement sain et une économie saine ». Selon le communiqué de presse accompagnant l’annonce, 15 milliards de dollars ont été mis de côté pour rendre la vie plus abordable pour les Canadiens et les communautés plus vivables, et pour créer des emplois tout en engendrant une économie plus propre.

Comme la plupart des communiqués de presse gouvernementaux, tout cela semblait merveilleux et simple. Mais comme l’ont découvert les gouvernements successifs, qu’il s’agisse de respecter nos engagements en matière de réduction des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) ou d’essayer d’assurer la transition d’économies clés ou de secteurs de ces économies, il est plus difficile d’atteindre de tels objectifs. Bien que le scepticisme à l’égard des changements climatiques semble moins prononcé au Canada qu’il y a cinq ans, les différences économiques régionales et la politique populiste de suppression de la taxe sur le carbone n’ont pas disparu ou n’ont pas hissé le drapeau blanc de la capitulation.

« 15 milliards de dollars ont été mis de côté pour rendre la vie plus abordable pour les Canadiens et les communautés plus vivables, et pour créer des emplois tout en engendrant une économie plus propre ».

Si la tarification du carbone reste un outil politique plutôt qu’une réalité acceptée au Canada — notamment auprès des libéraux et des conservateurs fédéraux ainsi que des gouvernements conservateurs actuels de l’Alberta et de la Saskatchewan — les consommateurs en souffriront. La bataille sur la tarification du carbone basée sur les consommateurs ressemble un peu aux débats sur le libre-échange que le Canada a connus dans les années 1980 et au début des années 1990. Plus précisément, s’il est clair que le système économique est en train d’être remodelé et que la résistance joue sur la peur de la transformation, personne n’est bien servi. En d’autres termes, si l’hésitation ou l’opportunisme politique entrave l’évolution naturelle des politiques, la lenteur à atteindre le résultat escompté coûtera cher aux gens. Potentiellement plus que de résister au changement en premier lieu.

À l’instar de l’effort de collaboration authentique que nous avons constaté chez les dirigeants canadiens de tous bords pendant la pandémie, nous avons besoin d’autant plus de cette approche ici. Ottawa doit être moins moralisateur en matière de climat, et les provinces comme l’Ontario, l’Alberta et la Saskatchewan ne doivent pas sortir leurs sabres à chaque fois que l’on prononce l’expression « tarification du carbone à la consommation ».

Une politique tout aussi réelle, applicable et réalisable doit être conçue pour refléter le fossé rural-urbain qui est encore très présent au Canada. Les investissements massifs dans les transports en commun sont formidables et bénéfiques pour la plupart des résidents de Toronto, mais ils ne sont guère utiles pour les agriculteurs de Taber, en Alberta. Pour eux, un prix du carbone à la consommation est une taxe et une menace pour leur mode de vie. Une meilleure redistribution des recettes fiscales pourrait être une option dans ce cas. Mais il faut s’attaquer au problème, car se contenter de « supprimer la taxe » revient à repousser le problème.

Le Canada n’aura pas de plan climatique véritablement renforcé tant qu’il n’y aura pas une réelle volonté de dépasser les polémiques et de se mettre au travail pour en élaborer un. Si la pandémie nous a appris quelque chose, c’est que les dirigeants canadiens peuvent travailler ensemble, et que les Canadiens peuvent faire face à la vérité sur la difficulté des défis auxquels ils sont confrontés.

« Si la pandémie nous a appris quelque chose, c’est que les dirigeants canadiens peuvent travailler ensemble, et que les Canadiens peuvent faire face à la vérité sur la difficulté des défis auxquels ils sont confrontés. »

Tim Powers est vice-président du conseil d’administration de Summa Strategies Canada ainsi que administrateur délégué d’Abacus Data, toutes deux ayant leur siège social à Ottawa. M. Powers est souvent invité à l’émission Power and Politics du réseau de télévision CBC, ainsi qu’à la chaîne VOCM de Terre-Neuve-etLabrador, sa province d’origine.


Patricia Sibal
PAR PATRICIA SIBAL

Le nouveau plan climatique du gouvernement Trudeau vise à atteindre des objectifs ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre grâce à deux piliers principaux : investir des milliards dans la construction d’une économie propre et augmenter le prix de la pollution pour atteindre un total de 170 $ la tonne d’ici 2030. Le plan de tarification du carbone restera neutre sur le plan des revenus; à mesure que le prix de la pollution augmentera de 15 $ par an, le montant que les Canadiens obtiendront en remise augmentera également, et sera versé trimestriellement plutôt qu’annuellement. Le prix du carbone allait toujours augmenter, mais l’ampleur de cette augmentation — une hausse de 467 % par rapport au prix actuel d’ici 2030 — a soulevé des inquiétudes quant à l’accessibilité financière pour les Canadiens.

Les remises pour les consommateurs ont toujours été un élément fondamental de l’approche du gouvernement Trudeau en matière de tarification du carbone, reconnaissant que la taxe sur le carbone augmente le coût de la vie pour les Canadiens. C’est là l’objectif de la taxe sur le carbone — inciter les consommateurs à faire des choix moins gourmands en carbone, et ce, à grande échelle.

Pour s’assurer qu’une politique climatique efficace est aussi une politique sociale équitable, le gouvernement doit trouver le juste équilibre entre la carotte et le bâton pour promouvoir des choix respectueux de l’environnement, tout en donnant aux Canadiens le soutien dont ils ont besoin pour gérer la hausse des coûts à mesure qu’ils changent leurs comportements. Bien que le programme de remise soit un bon début, il ne suffit pas à lui seul, surtout pour les Canadiens à faible et moyen revenu qui sont plus durement touchés par l’augmentation du coût de la vie.

Pour compléter la tarification du carbone, le gouvernement doit investir dans des mesures qui rendent la décarbonisation accessible et abordable pour les Canadiens ordinaires afin de leur permettre de faire des choix conscients du climat, et le plan climatique amélioré fait des pas importants dans la bonne direction. Le nouveau plan carbone comprend des initiatives qui aident directement les consommateurs à faire des choix plus propres, comme 2,6 milliards de dollars pour des rénovations énergétiques pour les propriétaires et 287 millions de dollars pour offrir des remises pour les véhicules à émission zéro.

Plus important encore, le plan prévoit l’investissement de milliards de dollars dans des changements transformateurs à grande échelle pour bâtir un pays où les choix de consommation à faible teneur en carbone sont la norme et sont facilement accessibles aux Canadiens — comme 15 milliards de dollars dans l’infrastructure du transport en commun (dont 2,75 milliards sont consacrés à l’électrification du transport en commun) et 1,5 milliard pour accroître la production et l’utilisation de carburants à faible teneur en carbone. Ces investissements sont complétés par des changements réglementaires et des mesures visant à permettre et à faciliter la transition vers une économie à faible émission de carbone. C’est plus qu’une carotte et un bâton, c’est tout le jardin (et même plus).

Une transition propre exige non seulement des sommes importantes, mais aussi l’adhésion de la majorité, et les politiques qui punissent les consommateurs canadiens ne seront pas à la hauteur. La politique climatique doit donner aux Canadiens le soutien dont ils ont besoin pour participer pleinement à une économie propre en rendant les choix respectueux du climat accessibles et abordables. Investir dans une transformation à l’échelle des réseaux afin d’habiliter les Canadiens et de les inclure dans la décarbonisation est essentiel pour réaliser des progrès significatifs vers une économie et une société plus propres.

« Une transition propre exige non seulement des sommes importantes, mais aussi l’adhésion de la majorité, et les politiques qui punissent les consommateurs canadiens ne seront pas à la hauteur ».

Patricia Sibal est consultante chez Crestview Strategy, établi à Ottawa. Elle a travaillé dans le domaine des relations gouvernementales à Toronto et à Ottawa et siège au Conseil d’administration de l’Institut de relations gouvernementales du Canada.


Par Kathleen Monk

Les changements climatiques constituent une menace existentielle pour le Canada et le monde entier. Trop de gouvernements, surtout dans les pays les plus riches, ont traîné les pieds pour prendre des mesures afin de lutter contre les changements climatiques.

Nous constatons que les changements climatiques affectent les régimes météorologiques mondiaux. L’hiver dernier, les Texans ont fait face à une période de grand froid et, après des années de déréglementation énergétique, leur réseau électrique n’a pas répondu à leurs attentes.

Le Texas a subi des conditions hivernales rigoureuses cette année avec des implications importantes pour les clients.

Nous constatons les effets croissants de la pollution de l’air et de l’eau sur la santé.

Les industries canadiennes ont pris du retard lorsqu’il s’agit de se préparer à l’avènement d’une économie à faible émission de carbone, un échec dû à des années de sous-investissement du gouvernement dans l’innovation verte et l’efficacité énergétique.

Aujourd’hui, nous ne sommes tout simplement pas en position de gagner cette lutte.

Dans ce contexte, le plan carbone amélioré du Canada est le bienvenu. Le plan parle de réduire le gaspillage énergétique et lie l’action climatique non seulement à la tarification du carbone, mais aussi à nos actions en tant qu’individus et organisations. Il y a de nouveaux investissements pour les améliorations énergétiques des bâtiments communautaires et des promesses d’un programme de prêts résidentiels et de programmes pour aider les Canadiens à faible revenu.

Ce sont des mesures positives, mais le plan carbone du Canada doit être axé sur l’action, et non sur de nouvelles promesses.

Nous avons besoin que des mesures urgentes soient mises en œuvre dès maintenant pour aider les Canadiens à réduire le gaspillage d’énergie, à moderniser leurs maisons et leurs entreprises, et à électrifier leur chauffage et leur climatisation.

Nous avons besoin que les transports en commun et les infrastructures avancent, dès maintenant, et que de nouvelles politiques soient mises en œuvre pour créer de nouvelles chaînes d’approvisionnement et s’assurer que davantage de produits verts sont fabriqués ici au Canada.

Les marchés mondiaux étant plus sensibles que jamais aux conséquences climatiques de leurs investissements, l’avenir des industries canadiennes des ressources naturelles dépendra de la capacité du Canada à prendre des mesures sérieuses pour lutter contre les changements climatiques. L’inaction coûtera à nos gouvernements, à nos entreprises et aux Canadiens ordinaires des milliards de dollars de plus à l’avenir.

Nous devons également nous rappeler que la lutte contre les changements climatiques n’est pas un combat distinct de celui pour une plus grande égalité et une plus grande justice économique. Nous ne pouvons pas continuer à demander aux Canadiens à faible revenu de payer un prix aussi disproportionné pour leur énergie.

La simple vérité est que stigmatiser l’idée d’une taxe sur le carbone pour marquer des points politiques n’aide pas les Canadiens à payer leurs factures d’énergie. Les solutions pratiques doivent devenir une priorité plus urgente à tous les ordres de gouvernement. Des choses comme des programmes de rénovation pour les personnes à faible revenu et de nouvelles normes de construction écoénergétiques peuvent aider à réduire les factures d’énergie des familles.

Rendre le transport en commun plus abordable et plus pratique aidera les gens à se rendre au travail. Pour ceux qui ont besoin d’une voiture, le fait d’aider un plus grand nombre de Canadiens à utiliser des véhicules électriques et à faible émission de carbone peut rendre leurs déplacements moins coûteux.

Les chaînes d’approvisionnement vertes maintiendront davantage de dépenses de consommation ici au Canada, ce qui contribuera à créer des emplois et à faire croître notre économie.

Nous ne pouvons pas prétendre qu’il n’y a aucun coût associé à la lutte contre les changements climatiques, mais nous pouvons veiller à ce que ce coût soit partagé équitablement. Le leadership politique consiste à concevoir une économie où les choix à faible émission de carbone deviennent plus faciles et plus abordables pour les Canadiens à faible et moyen revenu. Nous avons tous été témoins du coût de l’inaction en voyant les tempêtes hivernales meurtrières qui ont frappé le Texas. N’attendons pas la prochaine catastrophe pour agir.

« Le leadership politique consiste à concevoir une économie où les choix à faible émission de carbone deviennent plus faciles et plus abordables pour les Canadiens à faible et moyen revenu ».

Kathleen Monk est partenaire à Earnscliffe, où les leaders canadiens ont confiance en sa capacité à traiter des enjeux complexes de stratégie publique, à élaborer des stratégies et à réunir divers intervenants pour raconter de véritables histoires de succès. Elle fait régulièrement partie du principal panel de commentateurs politiques The Insiders de l’émission The National de la CBC, et fournit des analyses dans le cadre de l’émission Power and Politics sur CBC News Network.