Quelle devrait être l’influence de la politique fédérale sur les décisions provinciales en matière d’énergie?
L’influence souhaitée ou non du gouvernement fédéral sur la politique énergétique provinciale varie d’une province à l’autre et d’un régime d’exploitation des ressources à l’autre. Elle varie également en fonction de la manière dont un régime fédéral de fiscalité environnementale pourrait faire contrepoids aux incitations énergétiques, ou du montant du chèque fédéral ou du climat politique provincial.
Bien que notre constitution puisse délimiter où chacun devrait jouer et dans quel bac à sable, la clarté des lignes directrices législatives n’est généralement pas respectée dans la réalité. Les conflits politiques surgissent autant que les opportunités politiques. Et n’oublions pas le pouvoir judiciaire. Les récents renvois devant les tribunaux, en particulier en ce qui concerne la légitimité de la tarification du carbone ou la légitimité de la législation fédérale comme le projet de loi C-69, ont été aussi clairs que de la boue. De toute façon, qui a la responsabilité juridictionnelle de la boue? Si de l’argent devait y être gagné, quelqu’un le contesterait.
D’où je viens, à Terre-Neuve-et-Labrador, nous n’aurions pas eu d’industrie pétrolière extracôtière si le gouvernement fédéral n’était pas intervenu massivement. Qu’il s’agisse d’un investissement direct dans le développement de l’industrie pour devenir copropriétaire d’un projet pétrolier ou de l’élaboration d’une loi particulière visant à faire de la province le principal bénéficiaire de la ressource. Le Canada a été séduit, et on ne lui a pas dit d’aller se faire voir ailleurs.
« L’influence souhaitée ou non du gouvernement fédéral sur la politique énergétique provinciale varie d’une province à l’autre et d’un régime d’exploitation des ressources à l’autre » [traduction].
Lorsqu’il s’agit de développer et d’exporter de l’hydrogène ou du gaz naturel liquéfié (GNL), quelle que soit la région, le gouvernement fédéral est à nouveau fortement sollicité à des fins d’investissement. Bien que les régimes réglementaires en matière de distribution et d’environnement terrestre soient plus souvent guidés par les provinces, la coopération et les conflits occasionnels font partie intégrante de ce parcours.
En Saskatchewan, le premier ministre Scott Moe est à la tête de la rébellion contre l’empiètement de la politique fédérale, tel qu’il le perçoit, sur les portefeuilles provinciaux et le développement de la politique économique. Le premier ministre Moe refuse actuellement de percevoir et de verser les recettes provenant de la taxe fédérale sur le carbone. La taxe approuvée par la Cour suprême n’a pas reçu la même bénédiction de la part de son gouvernement. Il existe une loi d’application pour ceux qui refusent de respecter les règles en matière de carbone. Quelqu’un ira-t-il en prison dans ce cas récent de collision entre le droit fédéral de l’environnement, la politique provinciale et un soulèvement populaire contre la taxe?
Les guerres du carbone mises à part, tant qu’Ottawa fera des chèques et que les provinces en auront besoin pour promouvoir des projets énergétiques sur leur territoire, il n’y aura pas de bonne réponse aux limites de l’incursion fédérale-provinciale en matière de politique énergétique.
Scott Reid a été directeur des communications de l’ancien premier ministre Paul Martin, et est le cofondateur de Feschuk.Reid.
La nécessité de trouver un juste équilibre entre la satisfaction des divers besoins énergétiques du pays, la prise en compte des préoccupations environnementales et la promotion du développement économique est au coeur de l’élaboration de la politique énergétique du Canada. Influencée par la dynamique du marché, la participation du public et les programmes d’action, la politique énergétique canadienne est complexe et multiforme – un défi auquel tout gouvernement fédéral actuel et futur, quelle que soit sa couleur politique, sera confronté à de divers degrés. La nature de la politique au Canada exige que les gouvernements fédéral et provinciaux jouent des rôles distincts dans l’élaboration de la politique énergétique du pays.
Que ce soit à l’intérieur du pays ou à l’étranger, le gouvernement fédéral considère comme une nécessité politique de veiller à ce que le Canada soit bien positionné pour atteindre ses objectifs en matière d’énergie et de climat. Cependant, ce qui a jadis joué en faveur des libéraux, joue aujourd’hui le plus souvent en faveur de leurs faiblesses. Au cours des derniers mois, des provinces comme l’Alberta et la Saskatchewan se sont fermement opposées aux initiatives politiques fédérales relatives au secteur de l’énergie. La récente décision de la Cour suprême du Canada déclarant inconstitutionnelle la majeure partie de la Loi sur l’évaluation d’impact fédérale a également rendu plus difficile pour le gouvernement fédéral de défendre son rôle dans l’élaboration de la politique énergétique et de faire avancer son propre programme en matière d’énergie et de climat.
Néanmoins, une approche à l’échelle de la fédération, avec des compétences partagées entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, existe pour s’assurer que les différents besoins de chaque région du Canada sont satisfaits. Alors que les provinces sont les mieux placées pour gérer leurs propres décisions quotidiennes, telles que la gestion des ressources ainsi que la production et la distribution d’énergie, c’est le gouvernement fédéral qui est chargé de protéger l’infrastructure énergétique interprovinciale et internationale du Canada, comme les pipelines et les lignes de transmission. Le gouvernement fédéral est également le mieux placé pour défendre les intérêts du Canada en matière de commerce international. En tant que représentant du Canada sur la scène internationale, le gouvernement fédéral prend part aux négociations et aux accords, tels que l’Accord de Paris et l’Accord Canada-États-Unis-Mexique, et y défend les intérêts du pays.
Le rôle du gouvernement fédéral dans la création de mécanismes intergouvernementaux destinés à fournir un forum pour le dialogue fédéral-provincial peut également être justifié de manière convaincante. Certains mécanismes intergouvernementaux, comme les tables régionales de l’énergie et des ressources, réunissent le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux afin de mieux coordonner les échéanciers et les processus. Ce type de dialogue fédéral-provincial est essentiel pour faire avancer les priorités économiques dans le secteur, tenir compte des différences régionales et soutenir les travailleurs tout au long de la transition énergétique du Canada.
Pour relever les défis et saisir les opportunités que présente le secteur énergétique canadien, il est essentiel d’ouvrir la voie à une coopération et à une coordination efficaces entre les deux ordres de gouvernement. Bien trop souvent, la capacité des gouvernements fédéral et provinciaux à collaborer les uns avec les autres est ignorée, voire oubliée. Il s’agit là d’une hypothèse particulièrement délicate alors qu’une grande partie de la politique canadienne a été construite sur la base de la coopération intergouvernementale. L’idée que la politique énergétique ne pose pas de défi supplémentaire à la collaboration intergouvernementale est toutefois naïve. La répartition et la production inégales des ressources naturelles du Canada font que la politique énergétique varie naturellement d’une province à l’autre, ce qui oblige le gouvernement fédéral à équilibrer les intérêts divergents de l’ensemble du pays.
Alors que les gouvernements fédéral et provinciaux du Canada se dirigent vers une inévitable transition vers les énergies propres, les préoccupations soulevées par les communautés et les travailleurs qu’elles représentent et dont les moyens de subsistance dépendent d’un secteur énergétique performant doivent être considérées comme un moteur de collaboration. La sécurité économique et énergétique du Canada sera mieux servie par des gouvernements capables de mettre de côté leurs divergences politiques et de faire passer les Canadiens en premier.
Laila Hawrylyshyn est consultante chez Crestview Strategy. Elle jette des ponts entre les acteurs de l’industrie et les gouvernements afin de collaborer à l’élaboration et à l’amélioration des politiques publiques. Basée au bureau d’Ottawa, Mme Hawrylyshyn se concentre sur les dossiers réglementaires volumineux dans les domaines du transport et de l’énergie.
La relation combative entre les gouvernements fédéral et provinciaux en matière de ressources naturelles est aussi canadienne que le sirop d’érable. Les luttes fédérales-provinciales sont incessantes depuis la fondation de notre pays.
Après que le Manitoba, l’Alberta et la Saskatchewan sont devenus des provinces, il leur a fallu des décennies de batailles politiques acrimonieuses pour obtenir le contrôle de leurs ressources. Si cette lutte a été si difficile, c’est parce que les enjeux économiques étaient si importants. Dès avant la Confédération, le Canada a vendu ses abondantes ressources naturelles au vaste et lucratif marché américain. Qu’il s’agisse d’acheter du charbon canadien ou d’être le premier client des provinces pour notre pétrole et notre gaz, les États-Unis ont toujours été un énorme marché pour nos ressources naturelles et notre énergie. Aujourd’hui, le monde entier est un marché potentiel.
Soyons honnêtes, nous sommes un pays aux responsabilités désordonnées, complexes et qui se chevauchent. Oui, les provinces sont compétentes en matière de ressources naturelles. Toutefois, le gouvernement fédéral conserve des compétences en matière de règlementation et de gestion du commerce interprovincial et international. Ainsi, les provinces ont des droits sur les ressources, tandis que le gouvernement fédéral est responsable du transport de ces ressources vers d’autres provinces ou d’autres pays.
Les deux ordres de gouvernement ont le droit de prélever des taxes sur ces ressources et exercent des responsabilités en matière de protection de l’environnement, qui vont de pair avec la gestion des ressources énergétiques. En raison de priorités différentes et de luttes fédérales-provinciales, nous avons constaté que les règles provinciales et fédérales en matière d’évaluation environnementale n’étaient pas coordonnées, voire se contredisaient.
Pendant ce temps, les Premières Nations ont des droits sur leurs territoires, tandis que le gouvernement fédéral exerce des responsabilités sur la relation entre le gouvernement et ces nations autochtones.
Même la décision de la Cour suprême d’octobre 2023, qui a jugé inconstitutionnelles certaines parties de la Loi sur l’évaluation d’impact (LEI) d’Ottawa, n’a pas apporté de véritable clarté. Au lieu d’annuler purement et simplement la Loi, les juges l’ont renvoyée au gouvernement fédéral pour qu’il la réécrive.
Alors que le monde s’oriente vers une économie à faibles émissions de carbone, les enjeux économiques ne cessent de croître. Les gouvernements, les travailleurs, les communautés autochtones et toutes les autres parties prenantes doivent s’unir pour que le Canada soit prêt à rivaliser pour obtenir de nouveaux investissements dans une économie mondiale plus propre et durable. Si nous n’y parvenons pas, nous risquons de perdre des investissements au Canada. La perte de ces investissements signifie également la perte de bons emplois pour les travailleurs canadiens et d’opportunités lucratives pour les entreprises canadiennes.
Je suis convaincue que la plupart des Canadiens penseraient que ces enjeux économiques importants inciteraient les gouvernements à s’asseoir à la table des négociations et à trouver un compromis. Mais dans le monde politique actuel, où règne la discorde, le compromis est devenu un gros mot. Trop souvent, les grandes déclarations politiques remplacent l’élaboration de politiques saines.
Il ne s’agit pas seulement de savoir dans quelle mesure le gouvernement fédéral influence la gestion provinciale de l’énergie. Il ne s’agit pas non plus de savoir dans quelle mesure les provinces influencent les règles fédérales en matière d’environnement. En fin de compte, toutes les parties concernées doivent s’influencer mutuellement. C’est ainsi que nous sommes parvenus aux compromis sur lesquels le Canada a été fondé.
Plus que toute autre chose aujourd’hui, nous avons besoin que les dirigeants du Canada fassent preuve de leadership. Le premier ministre, les premiers ministres et tous les dirigeants politiques doivent s’unir – aux côtés des nations autochtones, des entreprises et du mouvement ouvrier. Surtout, nous devrions tous être influencés et inspirés par une vision du type de Canada que nous voulons laisser à nos petits-enfants.
Kathleen Monk est propriétaire principale de Monk + Associates, une société indépendante d’affaires publiques. Elle apparaît régulièrement à l’émission Power and Politics du réseau CBC News et siège au conseil d’administration de CIVIX, un organisme de bienfaisance non partisan qui se consacre à la formation de citoyens engagés.