Lorsque le premier ministre du Canada, John A. Macdonald, a conclu un accord avec la Colombie-Britannique pour relier la province à la nouvelle confédération par un chemin de fer transcontinental, il savait que cette mesure contribuerait à bâtir la nation. Aujourd’hui, 135 ans après le lancement du Chemin de fer Canadien Pacifique, un autre projet qui s’étend d’un océan à l’autre prend tranquillement de l’ampleur.

« Le Canadian Northern Corridor serait un corridor de transport multimodal s’étendant sur environ 7 000 kilomètres à travers le centre et le nord du Canada, de la Colombie-Britannique au Labrador, avec des embranchements vers les Territoires du Nord-Ouest, le nord du Manitoba, l’Ontario et le Québec » .

Le Canadian Northern Corridor1 serait un corridor de transport multimodal s’étendant sur environ 7 000 kilomètres à travers le centre et le nord du Canada, de la Colombie-Britannique au Labrador, avec des embranchements vers les Territoires du Nord-Ouest, le nord du Manitoba, l’Ontario et le Québec. Le concept initial est de sécuriser les droits de passage afin d’ouvrir la possibilité de construire des infrastructures pour la route, le rail, les pipelines, les services publics et les lignes de communication.

« Il s’agit d’une proposition indifférente à des formes de transport précises, mais qui vise à réfléchir réellement à la nécessité de déplacer les marchandises en général » [traduction] de préciser G. Kent Fellows, co-auteur d’un rapport de la School of Public Policy de l’université de Calgary sur le sujet. « Nous essayons de prédéfinir des couloirs – à l’est, à l’ouest et au nord – pour investir dans les infrastructures. » [traduction]

Le concept n’est pas nouveau : il y a près de 50 ans, un rapport de l’avocat albertain Robert Rohmer, spécialiste de l’aménagement du territoire, proposait un corridor « au centre du Canada », mais l’idée n’a suscité que peu d’intérêt jusqu’à ce que trois grandes questions la relancent en 2017 : l’ouverture des eaux du Nord en raison du changement climatique, la nécessité de diversifier les marchés pour les ressources énergétiques du Canada et la discorde publique mettant un terme aux projets d’oléoducs et de gazoducs.

Selon M. Fellows, « les pipelines sont des indicateurs, un peu comme un canari dans une mine de charbon.  Nous commençons à voir ce problème apparaître sur de nouvelles autoroutes, sur les voies ferroviaires, dans toute l’économie. Il s’agit donc de réfléchir à une stratégie pour a) planifier les futures infrastructures et b) éliminer les obstacles réglementaires afin de faciliter les investissements privés et publics dans les infrastructures. » [traduction]

Environ 100 000 personnes vivent dans les communautés du nord du Canada, réparties sur 3,5 millions de kilomètres carrés. La diversification des sources de combustible est essentielle à leur développement durable, car la plupart des communautés et des industries du Nord dépendent du mazout, du propane ou du diesel pour le chauffage et l’électricité. Ces carburants à forte teneur en carbone sont coûteux, tant du point de vue économique qu’environnemental. Comme il y a peu de routes praticables en toute saison, le carburant doit être livré soit par barge, soit par camion en hiver et par avion lorsqu’il n’y a pas de route de glace. L’accès au gaz naturel, par des routes toutes saisons et des gazoducs, modifierait considérablement l’économie et l’environnement du Nord.

Pour Thomas Elwell, président-directeur général de Kate Energy2, des projets comme le Canadian Northern Corridor sont essentiels pour l’avenir du Nord canadien. Kate Energy produit et fournit du gaz naturel liquéfié et des services et équipements de GNL aux communautés et aux activités industrielles du Nord.

Le transport reste l’un des plus grands défis de l’entreprise, car elle peut s’approvisionner en gaz naturel à partir de Dawson et Dawson Creek, mais se trouve toujours à une distance de 1 500 à 2 000 kilomètres de sa base de clients finaux.

« Le plus grand avantage pour nous tous sera le coût du transport. Si nous produisons du GNL pour transporter des produits vers l’un de nos clients/installations à l’avenir, et s’ils sont situés à proximité du projet de corridor, le coût de l’électricité baissera en conséquence. » [traduction]

Le système ferroviaire canadien a suscité des possibilités pour le pays, mais un corridor de transport en fera autant selon Joel Holdaway, directeur de l’engagement pour le Canadian Vitality Pathway3. Le projet est similaire au Canadian Northern Corridor en ce sens qu’il est neutre sur le plan industriel et qu’il promeut des « fils » multimodaux d’infrastructure commerciale d’un océan à l’autre qui répondront aux besoins émergents en matière d’énergie et de transport divers, des besoins qui ne sont pas encore prévus.

« L’autre option est la suivante : peut-être que le moment est venu de commencer réellement à faire face à ces défis et à la manière dont nous les traitons de manière coordonnée et réfléchie, en pensant à long terme ».

Parmi les options possibles, citons le train à grande vitesse, l’électricité, l’hydrogène, le gaz naturel, le dioxyde de carbone et les produits raffinés à faible teneur en carbone. M. Holdaway considère que le Canadian Vitality Pathway, fondé sur le marché, est complémentaire au Canadian Northern Corridor, de portée plus académique. Selon lui, il est fondamental de faire participer dès le départ les communautés aux discussions sur le lieu de construction de l’infrastructure et sur les objectifs qu’elles souhaitent atteindre.

« Il faut comprendre qu’il ne s’agit pas d’une seule possibilité sur une courte période, mais de multiples opportunités sur une plus longue période qui sous-tendent une proposition de valeur économique plus large pour les communautés le long du corridor, en se concentrant sur la multitude de possibilités dans une zone, un endroit où un certain nombre de choses différentes peuvent se produire, plutôt qu’un projet unique dans différents emplacements. » [traduction]

« Des projets comme le Canadian Northern Corridor sont essentiels pour l’avenir du Nord canadien » .

Quel que soit le mode envisagé, les problèmes rencontrés par les développeurs d’infrastructures au Canada sont similaires, note Robert Mansell, professeur d’économie à l’université de Calgary et expert en réglementation du projet. « L’un des grands enjeux est la façon dont nous faisons les choses actuellement, sous forme de projets ponctuels, ce qui permet à divers groupes de mener à terme leurs projets » [traduction], explique-t-il.

« Si vous augmentez le champ d’application et le nombre de parties à la table, il y a plus de chances que les compromis ne satisfassent peut-être pas tout le monde, mais que la majorité en accepte l’idée. » [traduction]

Thomas Elwell, de la société Kate Energy, note qu’il est crucial de fournir des options plus rentables et plus propres pour la production d’électricité et de chaleur dans les communautés isolées. Mais tout projet doit respecter les conditions d’engagement communautaire. « Nous ne pouvons pas nous permettre, en tant que pays, d’avoir le genre de problèmes que nous avons connus récemment, où nous nous imposons à toutes les communautés dans lesquelles nous travaillons ou par lesquelles nous travaillons. Il faut qu’il y ait des avantages, démontrés à chaque étape, du premier au dernier kilomètre. Et je pense que c’est la meilleure façon de travailler. On a tous quelque chose à y gagner ou à perdre, il faut donc prêter attention. » [traduction]

Le financement des couloirs serait une combinaison d’initiatives privées et publiques; une route serait probablement financée par le secteur public, tandis qu’un pipeline ou une ligne électrique serait financé par le secteur privé. Pour les éléments d’infrastructure individuels, une partie du concept consiste à les rendre plus réalisables et à faciliter la venue d’intérêts privés à la table des négociations pour rehausser le degré de certitude.

« Si nous parlons de quelque chose qui prend 10 ou 15 ans pour être approuvé, nous ne gagnerons jamais à ce jeu. C’est vraiment la valeur de l’option. Si vous n’avez pas à douter de la certitude que le GNL aura plus de chances de se concrétiser dans deux ou trois ans, par exemple, alors cette option s’offre à vous, si toutes les conditions sont réunies » [traduction], ajoute M. Fellows.

« L’autre option est la suivante :  peut-être que le moment est venu de commencer réellement à faire face à ces défis et à la manière dont nous les traitons de manière coordonnée et réfléchie, en pensant à long terme .» [traduction]

Pour plus d’information sur le Canadian Northern Corridor, consultez le site www.canadiancorridor.ca.

Dina O’Meara couvre les affaires énergétiques canadiennes depuis près de 20 ans.

  1. The Canadian Northern Corridor, université de Calgary, The School of Public Policy, https://www.canadiancorridor.ca/.
  2. Kate Energy, https://kateenergy.com/.
  3. Canadian Vitality Pathway, https://www.vitalitypathway.ca/.