Comment les dirigeants politiques peuvent-ils soutenir une énergie abordable pour réduire les impacts de la pauvreté énergétique au Canada ?

Les points de vue et opinions exprimés dans cet article sont ceux des auteurs et ne reflètent pas nécessairement la politique ou la position officielle de l’Association canadienne du gaz.

Par Tim Powers

Si vous avez acheté quelque chose dernièrement, vous savez que l’inflation est réelle. Si, comme de nombreux Canadiens, vous ne conduisez pas un véhicule électrique, vous savez, après être passé à la pompe, que le prix de l’essence a augmenté de façon spectaculaire. Et pour les personnes qui n’ont pas accès aux transports en commun ou pour qui la marche n’est pas une option, le coût pour se rendre au travail ou pour emmener les enfants au hockey rend la vie moins abordable.

Maintenant que la guerre fait rage en Ukraine, le rôle central de la Russie dans l’approvisionnement en énergie de certaines parties de l’Europe, de l’Asie et d’ailleurs fait l’objet d’une attention accrue. La dynamique géopolitique a toujours influencé les discussions sur la politique énergétique au Canada. Déjà, trois provinces canadiennes – l’Alberta, Terre-Neuve-et-Labrador et la Saskatchewan – ont déclaré que le Canada devrait profiter de la crise en Ukraine pour faire progresser les options énergétiques de ces régions dans le monde. Parallèlement, des politiciens conservateurs fédéraux très en vue, Pierre Poilievre et Michael Chong, ont soutenu que le Canada doit également agir pour accélérer le développement de projets de GNL, en particulier ceux de la côte Est, afin que l’Europe dispose de nouvelles options d’approvisionnement stables.

Hand holding gasoline nozzle
« Si, comme de nombreux Canadiens, vous ne conduisez pas un véhicule électrique, vous savez, après être passé à la pompe, que le prix de l’essence a augmenté de façon spectaculaire ».

Alors que le système politique national canadien se tourne vers la saison des budgets, attendez-vous à ce que l’inflation et l’instabilité mondiale dominent ces documents politiques. De St. John’s à Victoria, les citoyens réclament un soulagement temporaire de la douleur inflationniste, notamment en ce qui concerne le prix de l’essence. À Ottawa, ils entendent ces mêmes cris tout en étant encouragés à être plus agressifs sur l’ouverture de l’entrepôt énergétique du Canada au monde. Avec le Parti conservateur dans une nouvelle course à la chefferie, attendez-vous à plus de débats sur la façon dont le Canada doit faire plus sur le plan géopolitique pour supplanter les autres nations, non seulement en matière de réduction des gaz à effet de serre, mais aussi en tant que fournisseur d’énergie.

Alors, à quoi faut-il s’attendre sur le plan politique? Il est possible que les gouvernements envisagent un allègement temporaire de la perception de la taxe sur l’essence dans les endroits où ils disposent de tels mécanismes. Certains ont demandé une renonciation ou une réduction plus large de la taxe de vente – ce qui n’est pas hors du domaine du possible – mais cela pourrait être considéré comme risqué, étant donné le précédent perçu que cela pourrait créer. D’autres pourraient augmenter les subventions pour une transition plus rapide vers des options d’énergie non renouvelable si l’on peut faire valoir que cela apporte un soulagement légitime aux défis personnels actuels en matière d’accessibilité financière. De plus, je n’exclurais pas que certains gouvernements créent des paiements spéciaux uniques pour soulager les citoyens. La corruption avec notre propre argent a déjà fonctionné auparavant.

Les débats politiques à moyen et long terme, au-delà des budgets, reviendront sur l’environnement réglementaire de l’énergie au Canada et le rythme de la transition énergétique. Par exemple, dans l’actuelle course à la direction du Parti conservateur du Canada, le rythme et la place de la transition ont occupé le devant de la scène. Les candidats ont surtout reconnu que l’incertitude géopolitique en Europe crée une ouverture importante pour le pétrole et le gaz canadiens. Un candidat est allé jusqu’à affirmer que l’incertitude devrait nous inciter à accroître notre production nationale. Ceci, en plus de la reconnaissance récente par le gouvernement lui-même que l’augmentation de notre production d’énergie au Canada crée un ensemble de circonstances très intéressantes.

Peut-être que pour la première fois depuis des années, il y a une véritable perturbation autour de ce que sera la forme de la politique énergétique du Canada au cours des deux prochaines décennies. Il sera intéressant de voir comment la situation évoluera, car la menace des changements climatiques ne disparaîtra pas de si tôt, pas plus que l’instabilité en Europe.

« Peut-être que pour la première fois depuis des années, il y a une véritable perturbation autour de ce que sera la forme de la politique énergétique du Canada au cours des deux prochaines décennies ».

Tim Powers, est le président de Summa Strategies Canada et le directeur général d’Abacus Data, dont les deux sièges sociaux sont à Ottawa. M. Powers est souvent invité à l’émission Power and Politics du réseau de télévision CBC, ainsi qu’à la chaîne VOCM de Terre-Neuve-et-Labrador, sa province d’origine.


Scott Reid
Par Scott Reid

L’objectif de carboneutralité va remodeler l’économie du Canada au cours des deux prochaines générations. L’enjeu est notre capacité à préserver notre statut de grande nation productrice d’énergie, mais de manière durable. Plus fondamentalement encore, cet effort déterminera notre capacité à préserver notre niveau et notre qualité de vie. S’il y a un mot qui a été surutilisé ces derniers temps, c’est bien celui de transition. Mais la gestion de cette transition énergétique sera le défi de politique publique le plus crucial auquel le Canada devra faire face au cours du prochain demi-siècle.

Le caractère abordable sera vital pour l’ensemble de l’exercice. Si nous fonçons tête baissée dans un changement qui augmente radicalement les prix que les familles paient pour satisfaire leurs besoins énergétiques, il y aura du recul et de la résistance. Les progrès seront compromis et ralentis. Par conséquent, il est essentiel de cerner des sources d’énergie abordables — et d’utiliser des outils de politique publique pour soutenir leur développement. Le gaz naturel figure en bonne place sur cette liste. Abondant en offre et avec une forte demande dans le monde entier, il représente une énorme opportunité de transition. Non seulement il nous aidera à nous rapprocher de la carboneutralité, mais il offrira des options plus abordables au niveau national ainsi qu’un potentiel d’augmentation du PIB à l’exportation. Bien sûr, le défi consiste à mettre ce produit sur le marché, ce qui nécessite le soutien engagé d’une approche de politique publique prudente — en particulier, pour la construction durable et socialement acceptée de pipelines.

« Par conséquent, il est essentiel de cerner des sources d’énergie abordables — et d’utiliser des outils de politique publique pour soutenir leur développement. Le gaz naturel figure en bonne place sur cette liste. Abondant en offre et avec une forte demande dans le monde entier, il représente une énorme opportunité de transition ».

D’autres technologies offrent des espoirs similaires pour une transition abordable, comme le développement des petits réacteurs modulaires (PRM) — ou petits réacteurs modulaires. Le Canada pourrait facilement, avec le soutien concerté des gouvernements et des responsables des politiques publiques, devenir un champion dans cette nouvelle ère de l’énergie nucléaire. Mais la technologie ne se produira pas toute seule. Des fonds publics et un soutien politique sont nécessaires pour créer un élan, susciter des percées et faciliter l’expansion.

Enfin, le Canada devra également investir dans le soutien de ses producteurs d’énergie et de ses travailleurs à travers le pays. Ceux des régions productrices d’énergie comme l’Alberta, la Saskatchewan, la Colombie-Britannique et d’autres régions auront besoin d’aide pour se tourner vers d’autres options, qu’il s’agisse d’énergies renouvelables, de gaz naturel, de nucléaire ou autre. Les talents de ces travailleurs doivent être cultivés. Leurs compétences doivent être soutenues. Et leur capacité à gagner un salaire de subsistance doit être respectée. À des moments antérieurs de notre histoire, des programmes de transition spécialisés ont été mis en place pour accélérer le changement et soutenir les personnes les plus touchées. Nos outils de politique publique doivent être utilisés de façon similaire aujourd’hui afin de démontrer aux travailleurs du secteur de l’énergie que tous les Canadiens reconnaissent que le défi n’est pas seulement le leur. Il n’est pas non plus simplement sectoriel ou géographique. Il doit être considéré comme une priorité véritablement nationale.

En poursuivant toutes ces pistes, et éventuellement d’autres, nous serions bien avisés de garder l’accessibilité financière comme un impératif prioritaire. Les politiques publiques doivent être élaborées en tenant pleinement compte des conséquences pratiques. Si le prix de la transition énergétique est trop onéreux pour que les gens puissent le payer, c’est tout le projet qui en pâtira. Le caractère abordable est donc un outil de discipline. Elle nous aide à choisir les priorités de politique publique qui non seulement nous feront réussir, mais qui nous permettront de créer et de cultiver le soutien du public.

Scott Reid a été directeur des communications de l’ancien premier ministre Paul Martin, et est le cofondateur de Feschuk.Reid.


Par Kathleen Monk

Les familles sont en difficulté. L’inflation a atteint son plus haut niveau depuis 30 ans, tandis que les salaires restent à la traîne, surtout pour les travailleurs au bas de l’échelle salariale.

La crise du coût de la vie continuera d’être un enjeu politique majeur. Alors que les politiciens se concentrent sur les Canadiens qui luttent pour payer des factures de plus en plus élevées, la hausse des coûts de l’énergie jouera un rôle central.

Pendant des mois, les coûts de l’énergie ont été l’un des principaux moteurs de l’inflation et maintenant, comme les coûts augmentent pour transporter ou fabriquer des biens, cela a un effet d’entraînement rendant encore plus cher tout ce dont les familles ont besoin. Les taux d’intérêt étant sur le point d’augmenter au cours des prochains mois et les ménages canadiens étant endettés à hauteur de 2,5 billions de dollars, la pression fiscale à laquelle les familles sont confrontées ne peut que s’aggraver.

Les experts mesurent généralement la pauvreté énergétique par le pourcentage du revenu des ménages que les familles consacrent à l’énergie, mais cela ne tient même pas compte de l’impact de la flambée des prix de l’essence, qui touche particulièrement les bas salaires dans les communautés n’ayant pas facilement accès aux transports en commun.

La pauvreté énergétique ne fera que s’accroître. Cela signifie que davantage de Canadiens et Canadiennes sacrifient un élément essentiel pour en payer un autre, qu’un plus grand nombre de familles vivent dans l’inconfort, que l’incidence des maladies respiratoires est plus élevée et que les résultats en matière de santé mentale se dégradent. Tel est le sombre contexte auquel sont confrontés les décideurs politiques alors qu’ils envisagent de nouvelles mesures pour lutter contre la pauvreté énergétique dans ce pays.

Le Canadian Urban Sustainability Practitioners (CUSP) propose un outil permettant de montrer à quoi ressemble la pauvreté énergétique au Canada. Selon le CUSP, le nombre de ménages qui dépensent plus du double de la moyenne nationale pour leurs factures d’énergie mensuelles — ce qui est la définition de la pauvreté énergétique — s’élève à plus de 2,8 millions de familles au Canada. Dans les provinces de l’Atlantique, plus d’un tiers des ménages sont maintenant en situation de pauvreté énergétique. Dans certaines régions du Nord de l’Ontario, c’est plus de 50 % des familles.

Il ne s’agit pas seulement de familles qui ont du mal à assumer les coûts élevés de l’énergie. Certaines communautés, dont un nombre important de communautés autochtones, n’ont pas du tout accès à l’énergie de manière fiable.

Les solutions devront s’adapter aux différentes réalités auxquelles sont confrontées une myriade de communautés à travers le pays.

Les gouvernements peuvent commencer par aider les familles à améliorer l’efficacité énergétique de leur foyer grâce à des mesures telles que des programmes d’amélioration de l’efficacité énergétique, en particulier des initiatives visant à aider directement les familles à faible revenu vivant dans des maisons inefficaces. Efficacité énergétique Canada, un organisme qui milite en faveur d’une économie plus efficace sur le plan énergétique, a proposé une nouvelle législation comportant des objectifs fermes de réduction de la pauvreté énergétique ainsi qu’un nouveau financement dans le prochain budget fédéral qui pourrait être utilisé pour susciter des engagements plus importants de la part des provinces en matière de réduction de la pauvreté énergétique.

« Les gouvernements peuvent commencer par aider les familles à améliorer l’efficacité énergétique de leur foyer grâce à des mesures telles que des programmes d’amélioration de l’efficacité énergétique… ».

Voilà de bons premiers pas, mais il faut faire tellement plus. Le fait est que nous avons besoin de mesures urgentes pour réduire les coûts de l’énergie, mais aussi de mesures pour faire baisser le coût élevé du logement, des médicaments et de l’épicerie. Si nous n’agissons pas, nous risquons de laisser pour compte des millions de familles.

Kathleen Monk est propriétaire principale de Monk + Associates, une société indépendante d’affaires publiques. Elle apparaît régulièrement à l’émission Power and Politics du réseau CBC News et siège au conseil d’administration de CIVIX, un organisme de bienfaisance non partisan qui se consacre à la formation de citoyens engagés.