Julie Gaudreau, directrice exécutive de la Conférence sur la recherche de l’Union internationale de l’industrie du gaz 2024 (IGRC2024) a eu l’occasion de s’entretenir avec Crystal Smith, conseillère en chef de la Nation Haisla, en août 2022, au sujet de l’innovation sociale dans le secteur du gaz naturel et de l’avancement des relations importantes avec les communautés autochtones. L’entretien a été édité pour plus de concision et de clarté.

Julie Gaudreau (Julie) : Je suis très heureuse de vous avoir parmi nous aujourd’hui, alors merci. Pour vous donner un peu de contexte, en juin dernier, nous avons eu le deuxième webinaire IGRC2024 sur le thème de l’énergie et de l’innovation sociale auquel Chris Sankey et Karen Ogen-Toews ont participé, et vous n’avez pas pu y participer en raison de changements de programme de dernière minute. Nous sommes donc reconnaissants du temps dont nous disposons maintenant pour reprendre le thème du webinaire.

Lorsque nous parlons d’innovation, les gens pensent généralement qu’il s’agit uniquement de technologie, mais nous pensons que c’est vraiment plus que cela. Nous pensons que l’innovation consiste à faire les choses de manière nouvelle et transformatrice. Il existe des développements passionnants dans le domaine du gaz naturel qui représentent une véritable innovation sociale et qui, je crois, font progresser la réconciliation avec les communautés autochtones. Je vais donc commencer par vous poser ma première question. Selon vous, que signifie l’innovation sociale, et que signifie-t-elle pour les peuples autochtones en ce qui concerne le développement et l’utilisation du gaz naturel au Canada

Conseillère en chef Crystal Smith (conseillère en chef) : L’innovation sociale consiste essentiellement à prendre en compte l’aspect humain, à tenir compte de l’humain dans toutes les décisions que nous prenons. Il s’agit d’avoir ce processus de réflexion au cours de tout type d’engagement, de conversation ou de processus décisionnel : chaque décision a un impact sur les personnes [à chaque] niveau.

Et je pense, alors que nous nous dirigeons vers cette nouvelle conversation autour des critères ESG (environnement, social et gouvernance), que l’aspect social doit absolument être pris en considération. J’ai la chance de participer à la construction d’un énorme projet et je vois directement l’impact social qu’il a dans notre communauté. Et c’est une histoire qui doit être racontée, qui doit être reconnue.

Nous ne faisons pas que changer et avoir un impact sur la vie des gens d’aujourd’hui. Je crois sincèrement que ce que nous créons dans notre communauté [et] la façon dont nous avons emmené nos gens dans ce voyage, est quelque chose qui sera positif pour toutes les générations : il y aura d’énormes impacts positifs pour de nombreuses générations parce que nous créons des modèles en quelque sorte. Les possibilités que nous entrevoyons avec LNG Canada et avec Coastal GasLink – et ce n’est qu’une façon dont le projet énergétique est une possibilité très dynamique – ont de nombreux effets d’entraînement différents que nous voyons lorsque nous prenons en considération l’impact des personnes qui viennent sur notre territoire.

Nous allons avoir besoin de plus de médecins. Nous allons avoir besoin de plus d’enseignants. Nous allons avoir besoin de plus d’infirmières. Il s’agit d’un impact énorme dans la vie de tout le monde lorsqu’il s’agit de nos membres Haisla dans la région, et dans la province.

Julie : Donc en ce moment, vous construisez les fondations, comme vous dites, vous créez quelque chose. Puis, avec un peu de chance, la génération suivante reprendra à partir de là et poursuivra la phase suivante, de sorte qu’elle continue à se développer et à se tourner vers l’avenir?

Conseillère en chef : Tout à fait. La raison pour laquelle nous avons soutenu ces projets est que nous en avions assez de gérer la pauvreté. Nous en avions assez de ne pas avoir de solutions pour sauvegarder notre langue et notre culture pour les générations futures et c’est ce qui nous a poussés à participer si activement – et de l’avis de certains, très audacieusement – à la réussite de ces projets.

J’ai une sœur jumelle identique, et nous avons grandi avec ma grand-mère qui parlait notre langue. Nous n’avons eu la possibilité d’apprendre notre langue que jusqu’à la septième année, nous avions donc 13 ans. Elle est maintenant l’enseignante de langue dans notre école communautaire et l’entendre parler notre langue me rappelle ces souvenirs d’avoir écouté ma grand-mère la parler. Et de penser que je n’ai jamais pensé que quelqu’un de proche de ma génération n’aurait jamais eu cette possibilité, et maintenant ma sœur l’apprend. Elle le parle, et elle s’épanouit. Je peux voir sa confiance en elle grandir à mesure qu’elle apprend son identité de femme Haisla.

Julie : C’est intéressant parce que – juste pour boucler la boucle là-dessus – la langue est le moyen de transmettre la culture. Donc, au Québec – parce qu’en ce moment je suis au Québec, à Montréal, et nous nous battons depuis longtemps pour préserver la langue française parce qu’à l’origine, comme vous le dites, c’est un moyen de transmettre la culture et l’histoire [et] vous pouvez être mieux équipés pour la prochaine phase de l’avenir.

Conseillère en chef : Oui. En grandissant, c’est tout ce que j’entendais constamment de la part des adultes qui avaient des conversations sur nos jeunes dans notre communauté, que ce soit dans un district scolaire ou chez les leaders de notre communauté. Si vous ne savez pas qui vous êtes, ou où sont vos racines, qui vous êtes en tant que personne, en tant que culture, il est plus difficile de partir et d’avoir cette confiance pour pouvoir exceller dans n’importe quel aspect de la vie.

C’est ce que je constate aujourd’hui – et d’entendre cela, d’avoir cette conversation autour de moi quand j’étais enfant et de le voir quand j’étais jeune – et maintenant, dans la quarantaine, de voir cette réalité se concrétiser dans notre peuple est absolument bouleversant sur le plan émotionnel. C’est ce qui motive ma passion pour continuer à faire ce que je fais. Ma sœur jumelle est un excellent exemple de la raison pour laquelle je continuerai à soutenir cette industrie, à faire pression pour plus de succès et à défendre les intérêts des Premières Nations, non seulement dans cette province et au nom de Haisla, mais aussi des Premières Nations de tout le pays pour qu’elles vivent ce que nous vivons.

Julie : Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les projets auxquels vous participez?

Conseillère en chef : Je pense que, dans l’ensemble, les autres communautés de notre région voient clairement les impacts positifs [des projets]. J’ai la chance de pouvoir aller visiter LNG Canada et Coastal Gaslink et je vois tant d’autres coentreprises des Premières Nations qui participent à l’économie. Avant, il y avait tellement de dissensions créées entre nos nations à cause des frontières territoriales et des revendications territoriales – non seulement des combats pour les territoires, mais aussi pour l’argent – pour aider nos communautés. Il n’y a jamais eu d’occasion où nous pouvions envisager d’accueillir d’autres nations pour partager la richesse. Nous l’avons maintenant, et nous pouvons voir ces nations, avec leurs coentreprises, participer à notre économie – les revenus générés par ces coentreprises reviennent à la communauté; de plus, les possibilités d’emploi ici sont également énormes.

Quand j’ai grandi chez mes grands-parents, mes deux oncles vivaient avec nous. J’avais ma mère, mon père, mes grands-parents et ma sœur jumelle. C’était un seul ménage. Si vous offriez à mon père ou à l’un de mes oncles la possibilité de s’épanouir dans un secteur et d’exceller, vous aviez un impact sur de nombreuses personnes – sur tout un ménage. Vous créez aussi ensuite des modèles de rôle : je regarde mon père ou mon oncle et je me dis : « Hé, j’ai cette possibilité et je peux le faire s’ils le font. » [traduction] Ainsi, les impacts que nous sommes en mesure de constater ont une grande portée. Ce ne sont pas seulement les membres des Premières Nations qui en bénéficient. C’est le pays qui bénéficie de ce projet. Et cela doit être célébré..

Julie : Je crois que vous n’êtes pas seulement un modèle pour votre communauté, mais que vous êtes un modèle pour l’ensemble des Canadiens et Canadiennes. Il est vraiment important de trouver des moyens de s’unir, afin que nous puissions nous développer de manière responsable, car si nous ne nous unissons pas, les investissements iront ailleurs. Voyez-vous cela comme une menace?

Conseillère en chef : Comme je l’ai dit, ce projet ne profite pas aux Haisla. Oui, il se trouve sur le territoire Haisla. Mais nous partageons cette richesse, nous partageons cette possibilité, nous nous réunissons avec d’autres nations et nous sommes capables de résoudre plus de problèmes en nous réunissant de manière positive. Lorsque vous parlez de l’aspect social de ce que ce projet a pu faire, je peux vous dire un point essentiel : il a permis de réunir de nouveau les nations. Je copréside une alliance appelée Northern First Nations Alliance, qui est née d’une conversation entre moi-même et le précédent conseiller en chef, Clifford White de Gitxaala. J’avais une proposition pour travailler ensemble… et… former nos gens ensemble. J’avais proposé que nous mettions nos ressources en commun et que nous offrions cette possibilité de formation à chacune de nos nations ensemble, où nous partagerions les ressources humaines, et l’aspect monétaire de la formation de nos gens. Cette conversation s’est élargie pour inclure tous les aspects sociaux, pas seulement la formation pour un emploi. Si nous voulons ramener nos gens des zones urbaines comme Vancouver ou Prince George, nous avons besoin de logements, car il n’y a pas assez de logements dans nos communautés pour pouvoir les ramener chez eux. Nous avons donc commencé à discuter des domaines dans lesquels nous pouvons travailler ensemble pour fournir des logements abordables, et cela s’est développé. Non seulement nous sommes en mesure d’avoir des possibilités d’emploi et de formation, mais nous sommes maintenant en mesure d’investir dans nos gens parce que des revenus sont générés pour nos communautés. Si nous voulons lancer une initiative de logement ici pour la première fois, nous sommes en mesure d’offrir une partie du coût d’investissement en raison des revenus générés pour nos communautés. Nous sommes devant des représentants du gouvernement où nous nous tenons ensemble en disant « nous devons fournir des solutions à nos gens sur le terrain – des résultats tangibles et réels » [traduction] et c’est ce que nous sommes en mesure de faire. Les possibilités de ce que nous pouvons réaliser ensemble sont infinies. C’est tellement inspirant de s’asseoir à une table avec des leaders partageant les mêmes idées, où nous sommes capables de mettre de côté nos différences et nos egos, afin d’avoir un impact sur notre peuple, de mettre fin au sans-abrisme et de commencer à s’occuper des problèmes de santé mentale et de dépendance. C’est incroyable.

Julie : Vous avez mentionné quelque chose tout à l’heure qui m’amène à ma prochaine question. Il y a beaucoup, beaucoup de belles histoires. Comment pouvons-nous diffuser ces histoires pour que les gens en sachent plus à ce sujet?

Conseillère en chef : Il s’agit d’atteindre ces personnes que ces projets touchent réellement – et de présenter leurs histoires. Dans un podcast, j’ai interviewé une de nos membres sur son histoire. C’est une mère célibataire, elle est très jeune et elle avait souffert de problèmes de dépendance. Mon petit-fils a le même âge que sa fille, et nous l’aidions du mieux que nous pouvions, mais elle avait besoin de plus d’aide. LabCorp, qui était notre partenaire, lui a offert une occasion de formation, et un autre de nos membres l’a défendue et lui a servi de système de soutien. Notre mère célibataire avait publié des messages sur Facebook disant : « Je suis vraiment déprimée. J’ai besoin de vêtements pour mon bébé. J’ai besoin de lait maternisé pour mon bébé. Je n’ai pas de couches Pampers » [traduction]. Et avec de l’aide, elle est passée de publications sur les médias sociaux sur le fait qu’elle était déprimée et qu’elle ne pouvait pas subvenir aux besoins de son enfant, à une vidéo avec Medicare, disant qu’elle a un revenu et une assurance médicale. Et non seulement cela, mais maintenant elle est un modèle pour sa fille.

Il s’agit de présenter des histoires de réussite comme celle-ci – en montrant les impacts de ce que représentent ces occasions de grands projets.

En voici une autre. Nous avons pu construire un centre pour jeunes pour la toute première fois dans notre communauté. Pendant de nombreuses années, nous avons entendu nos dirigeants, y compris nous-mêmes, dire que notre jeunesse est notre avenir et qu’il faut commencer à investir en elle. Et maintenant, nous avons enfin une installation pour les jeunes, où nous pouvons leur offrir des programmes et des possibilités sans fin. Ce sont des impacts énormes dans notre communauté.

Julie : C’est intéressant parce qu’en tant que directrice exécutive de la Conférence internationale sur la recherche gazière qui se tiendra à Banff en mai 2024, une conférence mondiale sur l’innovation dans le domaine du gaz, je me dis : n’y aurait-il pas moyen d’utiliser cette plateforme pour illustrer les avantages de projets comme celui-ci et pour montrer toute l’innovation sociale et peut-être avoir des gens qui partagent des histoires comme celle-ci? Mais, que peut faire le gouvernement pour soutenir l’innovation sociale dans vos communautés?

Conseillère en chef : Je ne saurais le dire. Je siège également à la First Nations Climate Initiative où nous parlons du réchauffement climatique et contribuons à d’autres domaines… il s’agit de soutenir cet équilibre et de prendre en considération tous les aspects de tout. LNG Canada est un exemple important de la façon dont le gouvernement, l’industrie et les communautés autochtones se sont réunis pour assurer le succès qui a été établi. S’il y a un précédent établi dans le cadre de ce processus, c’est pour permettre à cette conversation de se poursuivre en ce qui concerne la façon dont nous devenons plus nombreux à avoir les mêmes buts et objectifs. Nous sommes à l’écoute des communautés des Premières Nations comme la nôtre, au fur et à mesure que nous avançons dans le processus, car nous sommes passé, littéralement, de spectateurs qui regardaient l’économie se développer sur notre territoire à une situation où nous sommes maintenant propriétaires. Ce n’est certainement pas pour mon profil. J’ai 1900 personnes au nom desquelles je parle. Ce n’est pas un processus parfait. Est-ce qu’ils soutiennent tous le travail que nous faisons? Non, mais la majorité d’entre eux le font. Et lorsque je suis à Ottawa et que je suis loin de ma famille, je pense à mes petits-fils et à l’impact que peut avoir le fait que je me présente devant les gens et que j’élimine mes peurs personnelles de faire ce que je fais.

J’étais tellement terrifiée lorsque LNG Canada a annoncé sa décision positive finale d’investissement et que j’allais faire un discours devant le premier ministre du Canada et le premier ministre de la province. Il y avait au moins 100 caméras autour et j’étais terrifiée. J’avais si peur. [Mais] un SMS qui m’était adressé portait le message suivant : « Permettez à votre peuple de parler à travers vous. » [traduction] Et j’ai toujours gardé ce dicton et cette croyance dans mon cœur – que je parle au nom d’un grand groupe de personnes et que, peu importe s’ils me soutiennent personnellement, je fais cela pour améliorer la qualité de vie et les possibilités qu’ils ont. Et pas seulement [pour] aujourd’hui, mais pour les générations futures. Le succès que je vois en ce moment grâce à LNG Canada – je ne peux pas mettre de mots sur ce qu’il fait pour notre communauté. C’est un pas dans la direction que toute Première Nation dans ce pays, dans ce monde, souhaiterait. Nous sommes à l’origine de ce projet; nous avons un excellent partenaire, Pembina [Pipeline], qui est un expert en matière de construction d’installations, mais nous sommes propriétaires. Nous le construisons selon nos valeurs, nous le maintenons et gardons nos principes au niveau du conseil d’administration et nous le menons à bien. Ainsi, le précédent a été créé. Nous avons prouvé au monde entier que le Canada peut fournir l’énergie GNL la plus propre au reste du monde, et nous devons continuer à pousser dans cette direction. Encore une fois, la participation des Premières Nations est énorme. La façon dont nous avons été en mesure de réussir et de trouver un équilibre dans notre territoire mérite d’être soulignée. Chaque Première Nation a cette capacité et cette possibilité de le faire. Tous les niveaux de gouvernement et les Premières Nations veulent cette réussite.

Julie : Y a-t-il un moyen pour le gouvernement de mieux soutenir la propriété et l’engagement des Autochtones dans les projets de ressources?

Conseillère en chef : Absolument. Ce à quoi nous nous heurtons en ce moment, c’est l’aspect financier. En tant que propriétaires dans un grand projet, nous sommes comme tous les autres promoteurs, toutes les autres entreprises du secteur privé. Nous devons réunir les capitaux. Nous devons faire notre part dans ce projet, et chaque province est différente lorsque nous prenons en considération cette capacité à participer financièrement. Il s’agit de créer des conversations et des avenues pour nous permettre de participer activement – les politiques et les règlements et tout cela doivent être réunis pour permettre cette réussite.

« Il s’agit de créer des conversations et des avenues pour nous permettre de participer activement – les politiques et les règlements et tout cela doivent être réunis pour permettre cette réussite ».

Julie : Comment le gaz naturel s’intègre-t-il dans le débat sur le climat et la protection de l’environnement? Quel est votre point de vue à ce sujet?

Conseillère en chef : Je suis certaine que des technologies sont construites dans le monde entier afin d’atténuer les impacts et d’aider notre climat. C’est un domaine en transition. Nous reconnaissons qu’il fait partie de la solution [même si] certaines personnes ne sont pas d’accord avec cette affirmation. Quelle est la solution? Nous n’aurons pas la capacité d’avoir des voitures électriques et tous ces objectifs ambitieux en temps voulu. Pendant ce temps, des pays comme l’Asie et d’autres parties du monde brûlent encore du charbon, et nous avons encore des communautés des Premières Nations ici dans cette province qui brûlent du diesel pour alimenter leurs communautés. Que faisons-nous à ce sujet? Exact. Ce sont les énergies les plus sales à utiliser. Je reconnais qu’avec le GNL, il y a des gens qui ne croient pas que c’est une solution maintenant, et nous pourrions avoir un impact énorme si nous étions en mesure d’acheminer surtout le gaz de la Colombie-Britannique vers d’autres pays afin de les aider à réduire leurs émissions et à atteindre leurs objectifs.

« Je reconnais qu’avec le GNL […] nous pourrions avoir un impact énorme si nous étions en mesure d’acheminer surtout le gaz de la Colombie-Britannique vers d’autres pays afin de les aider à réduire leurs émissions et à atteindre leurs objectifs ».
Julie : C’est intéressant parce qu’au début de l’entretien, vous disiez que l’accent devait être mis sur l’être humain. Cela ne signifie pas que vous ne vous souciez pas de l’environnement, mais vous devez être là pour servir les gens, et ensuite vous vous occupez de la terre. Je lisais un journal ce matin et il portait sur la façon dont le gaz peut aider et réduire la pauvreté en Afrique. Il parlait de l’importance d’avoir une énergie électrique fiable et abordable, car lorsque vous avez cette énergie, alors vous pouvez mettre fin à la pauvreté – vous pouvez avoir des industries, vous pouvez étudier, vous pouvez avoir beaucoup, beaucoup de choses. Nous devons utiliser l’énergie pour sortir de la pauvreté. Cela revient à dire que l’être humain devrait être au centre de toute politique, n’est-ce pas?

Conseillère en chef : Ce n’est pas que nous ne nous soucions pas de notre environnement – nous le faisons, cela fait partie de notre culture. J’ai grandi avec mes grands-parents et, malheureusement, je ne m’entendais pas avec eux, mais ils m’ont enseigné les bases [notamment] de ne jamais prendre plus que ce dont on a besoin et de toujours laisser les lieux dans l’état où vous les avez trouvés. C’est alors que ma sœur et moi avons réalisé que mes grands-parents nous enseignaient la loi. C’était tellement inspirant. Et ce n’était pas seulement enseigné dans notre foyer, mais aussi dans celui de tous mes amis et de toutes mes familles élargies. C’est ce que nous sommes. Et pour ce qui est de l’histoire qui n’a pas été racontée en ce qui concerne le projet LNG Canada, les gens pensent que lorsque vous allez dans les communautés des Premières Nations, dans les communautés autochtones, vous engagez le leadership, vous engagez les conseillers en chef. C’était loin d’être notre processus. Nous avons tellement de détenteurs de connaissances culturelles sur notre territoire qui sont bien plus experts que moi – quand il s’agit de tout type d’impact sur notre territoire, LNG Canada a engagé ces personnes, ils ont engagé notre communauté, ils ont engagé nos détenteurs de connaissances culturelles dans les processus dans lesquels ils ont demandé, pour les permis. Et ils ne se sont pas présentés devant un organisme de réglementation sans le soutien de notre sécurité d’abord. Cette approche consistant à prendre en considération ce qui était acceptable sur notre territoire à un moment donné était énorme. C’est une partie de leur succès et c’est parce que nous avons eu notre mot à dire sur la façon dont il a été développé.

Julie : Une grande partie du travail dans votre communauté a consisté à élaborer de nouvelles approches et à établir un consensus. Avez-vous des conseils à donner pour aider le Canada à dépasser la polarisation des questions énergétiques?

Conseillère en chef : Je pense que le monde a vu, et nos communautés des Premières Nations ont vu, ce que le manque d’engagement peut faire à un projet. Il y en a un qui a été proposé spécifiquement pour notre territoire qui n’a pas été couronné de succès, et c’était essentiellement une question d’approche et d’inclusion des communautés. Ce n’est pas une expérience facile. Comme tout autre promoteur, nous avons des discussions difficiles. Nous engageons les membres de notre communauté et les parties prenantes de notre région, et c’est [difficile], mais il s’agit d’avoir la possibilité d’exprimer ses préoccupations – et ce ne sont pas des préoccupations mineures. Essentiellement, chaque communauté des Premières Nations veut protéger ce qu’elle a comme valeur culturelle sur son territoire. Notre valeur culturelle compte – notre peuple fera tout pour pouvoir apporter cela et revitaliser cette première nécessité dans notre territoire. Donc, il s’agit d’avoir ces conversations difficiles, d’établir des relations avec les communautés des Premières Nations et d’apprendre ce que la terre signifie pour nous et de prendre cela comme une partie du processus et de le mettre en œuvre dans les discussions.

Je pense que la dernière chose que je dirais dans le cadre de cela est que, bien que tout cela concerne les conversations externes en ce qui concerne l’engagement avec d’autres niveaux de gouvernement, j’ai 1900 personnes au nom desquelles je parle. Ce sont les personnes les plus importantes dans mon rôle, pour moi personnellement. Si je n’ai pas leur soutien dans le cadre du mandat, alors je ne serais pas devant vous aujourd’hui. Je pense que ce serait mon message aux autres dirigeants – ayez le mandat de votre peuple, ayez son soutien – et ce n’est pas un processus facile, c’est le plus difficile à vivre. Mais c’est d’une importance vitale.

Julie Gaudreau est directrice exécutive de l’International Gas Research Conference 2024 (IGRC2024) à l’Association canadienne du gaz (ACG). Dans le cadre de ses fonctions, Mme Gaudreau supervise la création, le développement et le positionnement stratégique de la conférence mondiale ainsi que l’engagement avec les différents intervenants de la chaîne de valeur du gaz, y compris les principaux consommateurs de gaz, le sous-secteur de l’innovation technologique du gaz et les dirigeants autochtones. Elle est diplômée de la Faculté de droit de l’Université Laval et a été admise au Barreau du Québec en 1997. Après avoir fait un stage dans un cabinet d’avocats privé spécialisé en droit criminel, civil et matrimonial, Mme Gaudreau a occupé des postes en ventes, marketing et ressources humaines dans un cabinet de consultation. Par la suite, elle a occupé un poste de conseillère principale au Cabinet du Premier ministre du Canada à Ottawa, où elle était responsable des relations avec les intervenants. Pendant cette période, elle a eu l’occasion de faire partie de l’équipe du centre de crise pour les élections fédérales de 2011. Après avoir quitté la politique, elle s’est jointe au CN, l’un des principaux chemins de fer d’Amérique du Nord, où elle a occupé le poste de conseillère principale – conseils stratégiques auprès du vice-président exécutif, Services généraux.