Le méthane est de loin le composant le plus important du gaz naturel, qui représente près de 40 % de l’approvisionnement énergétique au Canada. C’est pourquoi il incombe aux entreprises canadiennes de gaz naturel de comprendre et de minimiser les émissions de méthane qu’elles produisent afin d’acheminer à leurs clients cette source d’énergie essentielle.

Sources des émissions de méthane

Les émissions de méthane sont issues de tous les segments du secteur du gaz naturel, allant de la production à la distribution en passant par le traitement et le transport. Ces émissions résultent principalement de l’exploitation normale, de l’entretien courant, des fuites fugitives et des perturbations du réseau.

Les sources varient. Au fur et à mesure que le gaz se déplace dans les différents segments du réseau, les émissions sont attribuables aux mises à l’air libre intentionnelles et aux fuites non intentionnelles. Une mise à l’air libre peut être due à la conception de l’équipement ou à des pratiques opérationnelles telles que la purge continue de gaz à partir de dispositifs pneumatiques qui contrôlent les flux, les niveaux, les températures et les pressions de gaz dans l’équipement, ou la purge lors de complétions de puits au cours de la production. De plus, les pertes de méthane peuvent provenir de fuites – souvent appelées « émissions fugitives » – dans toutes les parties de l’infrastructure, allant des raccords entre les conduites et les cuves aux vannes, en passant par l’équipement.

Pour le secteur de l’approvisionnement en gaz naturel au Canada, « la majorité des émissions de méthane sont attribuables à la mise à l’air libre et aux émissions fugitives », explique Christine Cinnamon, directrice générale du Canadian Energy Partnership for Environmental Innovation (CEPEI), un organisme qui vise à collecter des données pour favoriser le respect de la règlementation et à suivre les questions environnementales émergentes afin d’être prêt à les traiter lorsqu’elles deviennent des sujets de règlementation ou d’attention du public. « Les sources d’émissions dues à des mises à l’air libre comprennent les rejets intentionnels ou prévus de gaz à des fins opérationnelles, tels que les purges de pipelines et de stations, et les émissions provenant de dispositifs pneumatiques qui font usage du gaz naturel comme fluide de travail, ainsi que d’éléments tels que les gaz d’étanchéité de compresseurs, les purges d’appareils et les fuites de vannes d’isolement. Les émissions fugitives comprennent tous les rejets non intentionnels de gaz naturel, y compris les fuites en surface et sous terre » [traduction], ajoute-t-elle.

Mme Cinnamon propose quelques comparaisons pour mettre ces éléments en perspective : les émissions de méthane fugitives et liées à la combustion provenant des opérations de transport, de distribution et de stockage (TDS) représentent un pourcentage relativement faible – soit 5,0 % – des émissions de méthane de l’ensemble du secteur pétrolier et gazier, et un pourcentage encore plus faible – soit 2,1 % – des émissions globales de méthane du Canada (ces chiffres sont tirés du Rapport d’inventaire national de 2022 et les données d’inventaire du CEPEI).

Bien que les émissions de méthane provenant des opérations de TDS ne contribuent que faiblement aux émissions globales de l’ensemble du secteur gazier, les entreprises du secteur de l’approvisionnement en gaz naturel sont activement engagées dans la compréhension, la gestion et la réduction de ces émissions, et ce depuis des dizaines d’années. Récemment, le gouvernement fédéral a fixé un objectif de réduction de 75 % des émissions de méthane du secteur pétrolier et gazier d’ici 2030 par rapport à 2012. L’industrie essaie encore de comprendre la portée et les implications de cet objectif, alors que l’ensemble du secteur poursuit ses efforts de gestion du méthane.

Gérer les émissions de méthane

« Les efforts déployés jusqu’à présent pour réduire les émissions de méthane provenant des opérations de TDS comprennent l’élimination totale des conduites en fonte au Canada, le remplacement d’autres conduites vieillissantes, la modernisation de l’équipement pneumatique, des inspections régulières et des programmes de prévention des dommages », explique Mme Cinnamon. Il s’agit d’un processus permanent. « Le secteur continue d’explorer d’autres possibilités telles que le captage et la réutilisation des gaz mis à l’air libre et l’amélioration des programmes de détection et de réparation des fuites, y compris le recours à des technologies de surveillance avancées » [traduction].

Des organismes tels que le CEPEI jouent un rôle majeur dans la gestion de ces émissions de méthane.

« Depuis plus de 20 ans, le CEPEI fournit des inventaires nationaux des gaz à effet de serre du secteur du gaz naturel en aval, y compris ceux provenant du méthane, et mène des programmes sous-jacents sur le terrain, déclare Mme Cinnamon. Ces études améliorent les facteurs d’émission et la compréhension de la nature des mises à l’air libre et des fuites afin de déterminer les possibilités de réduction des émissions de méthane » [traduction]. De plus, dit-elle, des organismes comme le CEPEI nous permettent de nous réunir en tant que secteur afin de définir les pratiques exemplaires et d’échanger des apprentissages, de sorte que l’industrie bénéficie dans son ensemble du travail effectué par chacune des entreprises et chacun des services publics. Cela permet également aux entreprises de prendre des décisions sur l’allocation optimale des ressources ainsi que d’informer le gouvernement sur ce qui est fait et l’impact des règlements sur ces efforts.

Il est essentiel que l’on continue de déployer ce genre d’efforts, déclare Mme Cinnamon.

« Grâce à de nombreux programmes sur le terrain et à d’autres études entreprises par le CEPEI, le secteur continue de soutenir une meilleure quantification des facteurs d’émissions et de leurs sources. En raison du très grand nombre d’installations d’équipement individuel qui existent dans le secteur, ces études fournissent des informations précieuses qui favorisent l’amélioration des estimations et la réduction continue des émissions. » Elle indique, par exemple, que les programmes actuels de détection et de réparation des fuites donnent des résultats positifs et peuvent fournir des indications pour des considérations futures. Les entreprises signalent que le nombre de fuites et leur taille globale ont diminué d’une année à l’autre depuis la mise en œuvre de ces programmes. Il en va de même pour le programme « Appelez avant de creuser » et d’autres programmes de prévention des dommages. Les dommages contribuent de manière significative aux émissions de méthane du secteur, mais grâce aux programmes de prévention, ces événements peuvent être évités.

Cependant, lorsque les sources d’émission ou les rejets sont temporaires, intermittents, de faible volume, diffus, non planifiés ou nécessaires pour des raisons de sécurité, leur atténuation demeure un défi. Et ce défi s’accroît par le fait que les coûts de réduction des émissions de méthane par les entreprises de TDS soient déjà supérieurs de plusieurs ordres de grandeur à l’estimation gouvernementale de 17 $/t éq. CO2 (tonnes d’équivalent de CO2); les coûts prévus dépassent plutôt les 285 $/t éq. CO2.

Ce qui reste à venir

Les objectifs du Canada dans le cadre de son plan de réduction des émissions à l’horizon 2030 comprennent l’atténuation des émissions de méthane comme élément clé pour atteindre l’objectif global de réduction de 40 à 45 % des émissions par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030, puis de carboneutralité d’ici 2050. Pour y arriver, il faudra déployer plus largement les technologies actuelles et élaborer de nouvelles solutions. Pour parvenir à des réductions plus importantes, d’au moins 75 % d’ici 2030, il faudra prendre des mesures allant bien au-delà des possibilités les moins coûteuses. Cela signifie, par exemple, qu’il faudra mettre davantage l’accent sur les technologies nouvelles et améliorées qui ont été mises au point, dont certaines sont produites au Canada, et qui permettent de réduire les émissions de méthane grâce à l’électrification, au remplacement de combustible, à l’amélioration de l’efficacité et à l’atténuation des émissions fugitives.

 

« Le secteur du gaz naturel du Canada améliore sans cesse ses performances en matière de gestion du méthane – tout en veillant à ce que les Canadiens aient accès à l’énergie gazière abordable et fiable qu’ils souhaitent. » [Traduction]

 

Pour aider à réduire davantage les émissions, l’Association canadienne du gaz (ACG) et le CEPEI ont formé la coalition canadienne pour la gestion du méthane (Canadian Methane Management Coalition [CMMC]). Annoncée en novembre 2023, cette coalition s’efforce de présenter et de soutenir des solutions avancées de mesure, de détection, d’atténuation et de captage du méthane conçues pour être déployées à grande échelle au Canada, tout au long de la chaîne de valeur. Cela exigera la diffusion d’information et de pratiques exemplaires afin d’assurer la prochaine vague de réduction des émissions de méthane. Il importe de noter qu’on s’appuiera également sur les travaux du premier centre d’essais des émissions du Canada, soit le Centre d’essais des émissions du fonds Gaz naturel financement innovation (GNFI), hébergé par Tourmaline, le plus grand producteur de gaz naturel du Canada, sur l’un de ses sites de production en Alberta. Le Centre d’essais des émissions est une initiative menée par l’industrie avec le soutien du gouvernement et d’universités pour aider à faire l’essai de nouvelles technologies et accélérer leur commercialisation.

Le secteur du gaz naturel du Canada améliore sans cesse ses performances en matière de gestion du méthane – tout en veillant à ce que les Canadiens aient accès à l’énergie gazière abordable et fiable qu’ils souhaitent. Alors que nous sommes appelés à faire davantage pour atteindre les nouveaux objectifs gouvernementaux en matière d’émissions, le maintien de cet équilibre pose un défi encore plus grand.

Graham Chandler a passé une décennie dans le domaine de la finance d’entreprise et de la gestion du marketing énergétique. En tant qu’écrivain indépendant à temps plein, il s’est spécialisé dans les sujets énergétiques au cours des 20 dernières années