Alors que les compagnies de gaz naturel américaines poursuivent leurs efforts pour repousser les assauts législatifs et réglementaires au niveau des États et des administrations publiques locales, elles reçoivent un appui opportun de divers intervenants qui comprennent l’impact réel des politiques d’électrification obligatoire. Ensemble, les partisans du choix en matière de combustible ont tenu bon dans la bataille contre l’interdiction du gaz naturel.

Lorsque la première interdiction locale du gaz naturel en Amérique a été débattue à Berkeley, en Californie, certains des opposants les plus bruyants étaient des restaurateurs – en particulier ceux proposant des plats asiatiques et latins – qui affirmaient que l’interdiction les priverait des techniques de cuisson essentielles à leur cuisine « qui repose sur l’utilisation d’une flamme ».

Cinq ans plus tard, soit en janvier 2024, à Seattle, une proposition d’interdiction annoncée par les législateurs de l’État a suscité les plus vives mises en garde de la part d’un représentant d’une association professionnelle de constructeurs de cet État : « Interdisez le gaz naturel, et notre réseau électrique tombera en panne! » [Traduction]

Les restrictions visant le gaz naturel étant devenues une stratégie populaire des États et des administrations publiques locales pour atteindre les objectifs climatiques, les entreprises de services publics ont commencé à faire en sorte que les consommateurs et les autres parties prenantes comprennent bien les conséquences des restrictions proposées, tout en parlant des initiatives qu’elles mettent en oeuvre pour réduire leur empreinte carbone.

Cependant, dans les débats très publics sur les interdictions locales et nationales de raccordement au gaz naturel et les décrets d’électrification totale, les dirigeants des services publics américains d’un bout à l’autre du pays fredonnent probablement l’air de la chanson populaire de Carole King de 1969, « You’ve got a friend » (tu n’es pas seul).

En effet, au cours des cinq années qui se sont écoulées depuis l’entrée en vigueur de l’interdiction à Berkeley, récemment annulée, diverses parties prenantes sont devenues des alliées indispensables dans les efforts visant à ralentir la folle ruée vers l’électrification, explique Daniel Lapato, vice-président associé pour les affaires publiques de l’American Gas Association (AGA).

« À mon avis, nos opposants essaient de dépeindre la situation comme un effort mené par le milieu des services publics, mais en fin de compte, vous constaterez que ce milieu ne représente qu’un des partisans de cette perspective », a déclaré M. Lapato. En fait, il s’agit d’un point de vue ralliant diverses parties prenantes qui ont commencé à réaliser les impacts que les interdictions de gaz auront sur leurs membres, leurs entreprises et leurs communautés. » [Traduction]

Les associations d’hôpitaux, les syndicats, les groupes de petites entreprises, les défenseurs des faibles revenus, les constructeurs de maisons et de nombreuses autres parties prenantes ont tous contribué à faire résonner davantage et à amplifier les messages des entreprises de services publics au sujet des avantages du gaz naturel, dont 189 millions d’Américains dépendent chaque jour, et des risques que pose l’interdiction de ce combustible.

« Interdisez le gaz naturel, et notre réseau électrique tombera en panne! » [Traduction]
Jusqu’à présent, les entreprises de services publics tiennent bon. La législation permettant le choix de son combustible est en vigueur dans 25 États et proposée dans huit autres. Selon l’AGA, des interdictions locales du gaz naturel ou des codes d’électrification des bâtiments à l’échelle de l’État sont toutefois en vigueur dans 12 États et proposés dans neuf autres États ou administrations publiques locales. De plus, le magazine Forbes a rapporté en mars dernier que 70 villes américaines disposent désormais de règlementations exigeant ou encourageant la construction de bâtiments uniquement alimentés à l’électricité.

« Ces 25 États ont permis à l’industrie et à nos partenaires de parler des avantages du gaz naturel d’un point de vue national, car à ce stade, la moitié du pays a désormais préservé son choix en matière de combustible, a déclaré M. Lapato. Je pense qu’il est très important de mettre l’accent sur ce fait. » [Traduction]

Depuis son point d’observation à l’AGA, qui appuie plus de 200 entreprises énergétiques locales dans tout le pays, M. Lapato voit un fil conducteur (c.-à-d. faire en sorte que davantage de personnes parlent des effets négatifs qu’aurait l’interdiction du gaz naturel) dans les efforts déployés par les entreprises de services publics pour résister aux moratoires sur les nouveaux raccordements au gaz naturel et aux modifications des codes de construction qui favorisent l’électrification.

« Les services publics jouent un rôle important dans ces débats, en aidant les autres parties prenantes à comprendre que ceux-ci ont lieu et que c’est le moment pour elles de peser dans la balance. » [Traduction]

M. Lapato cite l’exemple d’une coalition d’intérêts qui s’est réunie pour soutenir une initiative de vote à Spokane qui aurait empêché la ville de mettre en oeuvre une interdiction des nouveaux raccordements au gaz naturel. Les constructeurs d’habitations, les syndicats et même une association professionnelle de fabricants de cheminées au gaz naturel se sont unis pour parler des effets négatifs d’une telle interdiction sur l’accessibilité au logement, les petites entreprises, l’emploi et les consommateurs.

Les « amis » de l’industrie dans la bataille du choix personnel de son combustible ont souvent été prêts à parler des risques de l’électrification obligatoire d’une manière plus directe, en soulignant clairement et sans détour les ramifications dans le monde réel, d’une manière qui a touché les consommateurs et les décideurs politiques.

En janvier, les législateurs de l’État de Washington ont relancé un projet de loi visant à interdire le gaz naturel, quelques semaines après une vague de froid historique qui a contraint Puget Sound Energy à demander à ses clients de réduire leur consommation d’électricité. Greg Lane, vice-président exécutif de la Building Industry Association of Washington, n’a pas mâché ses mots lorsqu’un journaliste l’a interrogé sur l’impact de l’interdiction proposée : « La suppression du gaz naturel comme source de chauffage des maisons et de l’eau entraînera une défaillance de notre réseau électrique. » [Traduction]

Lors d’une conférence de presse organisée en janvier à Chicago, les représentants de la section locale 150 de l’International Union of Operating Engineers (IUOE) se sont solidarisés avec les dirigeants municipaux opposés à une nouvelle proposition d’interdiction des nouveaux raccordements au gaz naturel. Le syndicat a diffusé sur les ondes et dans les journaux des publicités percutantes reprochant au gouverneur de l’Illinois, J.B. Pritzker, d’avoir adopté une loi autorisant les interdictions locales de raccordement au gaz naturel et les mesures réglementaires qui ont entraîné la suppression de 1 000 emplois.

La page intitulée « Fight Back » sur le site Internet du syndicat affiche un message de l’IUOE en lettres majuscules rouges : « DITES AU GOUVERNEUR DE L’ILLINOIS PRITZKER ET À LA CCI DE LEVER L’INTERDICTION DU GAZ NATUREL ET D’ÉLABORER UN PLAN DE TRANSITION PROGRESSIVE VERS LES ÉNERGIES PROPRES. » [Traduction]

Près d’un an s’est écoulé depuis que la Caroline du Nord est devenue le dernier État à rejoindre le club du choix en matière de combustible; il n’y a pas eu non plus de nouvelles interdictions de raccordement au gaz naturel ou de décrets en faveur de l’électrification à l’échelle de l’État. Cependant, la légalité de ce type d’interdiction est revenue sur le devant de la scène depuis qu’une cour d’appel fédérale a invalidé l’ordonnance de Berkeley en avril 2023 dans le cadre d’une décision sur un procès intenté par la California Restaurant Association (association des restaurateurs californiens).

La Ninth Circuit Court of Appeals a confirmé sa décision au début du mois de janvier, obligeant de nombreuses administrations publiques à évaluer l’impact des interdictions existantes ou proposées. Les villes de Spokane et de Palo Alto ont par la suite renoncé à leurs interdictions, et Berkeley elle-même a réglé le procès en mars en acceptant de ne plus appliquer son interdiction de nouveaux raccordements au gaz naturel et de l’abroger par la suite. Entre-temps, des contestations juridiques de la loi new-yorkaise interdisant les nouvelles installations de gaz naturel, en vigueur depuis un an, ont été déposées sur la base des mêmes arguments que ceux qui sous-tendent la décision de Berkeley.

« Étant donné que le gaz naturel ne représente que de 4 à 10 % des émissions totales de GES d’une maison, l’accent est mal placé ». [traduction] – Daniel Lapato, vice-président associé pour les affaires publiques de l’American Gas Association

Là où les efforts législatifs visant à restreindre l’utilisation du gaz naturel ont échoué, certains États et certaines villes adoptent une approche « d’interdiction détournée » en adoptant des exigences d’électrification dans les codes de construction ou en influant sur l’élaboration de codes modèles dont les contraintes se répercutent à l’échelle de l’État. Mais, encore là, les partenaires de l’industrie interviennent.

« Ce sont les constructeurs, les entrepreneurs en chauffage, en ventilation et en climatisation, les agents immobiliers et les exploitants de bâtiments commerciaux qui ont le plus insisté dans ces débats, car il s’agit d’une question de coût, de coût et encore de coût », a déclaré M. Lapato. « Cela fait grimper non seulement le coût de la construction, mais aussi le coût du bâtiment lui-même, qu’il s’agisse d’une maison ou d’un immeuble commercial, et ce coût devient vraiment lourd à supporter. » [Traduction]

M. Lapato explique qu’il n’a pas vu beaucoup d’entreprises de services publics lancer de vastes campagnes de communication destinées à promouvoir le choix en matière de combustible, car elles savent que le public ne s’intéresse pas nécessairement aux discussions abstraites sur la politique énergétique et qu’il ne réagit que lorsque l’impact personnel devient évident.

Le tollé provoqué l’année dernière par la suggestion d’un organisme de règlementation d’interdire les cuisinières à gaz en est un bon exemple. Cinq États qui disposaient déjà d’une législation sur le choix en matière de combustible (la Floride, la Géorgie, le Montana, le Dakota du Sud et le Tennessee) ont adopté des lois sur la liberté de cuisiner qui empêchent l’interdiction des appareils alimentés au gaz naturel.

Malheureusement, l’accent mis sur l’interdiction du gaz naturel et l’électrification obligatoire comme stratégie de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) a occulté les progrès importants réalisés par les entreprises de services publics dans la réduction de l’empreinte carbone du gaz naturel, que ce soit grâce à l’efficacité énergétique et aux efforts en matière de climatisation, aux investissements continus dans l’intégrité des gazoducs ou aux nouvelles initiatives de décarbonisation telles que le gaz naturel renouvelable (GNR), le gaz certifié, l’hydrogène bleu et les technologies de captage, d’utilisation et de stockage du carbone (CUSC).

Étant donné que le gaz naturel ne représente que de 4 à 10 % des émissions totales de GES d’une maison, l’accent est mal placé, selon M. Lapato, qui affirme que les réductions d’émissions peuvent tout aussi bien être réalisées en utilisant les technologies du gaz naturel déjà disponibles et en cours de développement, à une fraction du coût de l’électrification totale. De plus, l’industrie dispose déjà de l’infrastructure nécessaire pour fournir des solutions énergétiques à faible teneur en carbone.

« … les efforts continus visant à restreindre l’utilisation du gaz naturel risquent de sacrifier la sécurité, la fiabilité, la résilience et l’accessibilité financière que les Américains attendent de leur système énergétique. » [Traduction]
« Les entreprises de services publics ont été dépeintes comme le milieu qui tente de défendre le statu quo, mais ce que l’industrie défend plus précisément, c’est que ces politiques entravent notre capacité à innover, et c’est ce que nous faisons le mieux, a déclaré M. Lapato. Si vous êtes vraiment préoccupés par les réductions d’émissions, ne laissez aucune solution de côté. » [Traduction]

Alors que les experts en énergie tirent déjà la sonnette d’alarme face à l’augmentation de la demande en électricité aux États-Unis en raison de la prolifération des centres de données, de la « relocalisation » de la fabrication américaine et de la croissance de l’utilisation des véhicules électriques, les efforts continus visant à restreindre l’utilisation du gaz naturel risquent de sacrifier la sécurité, la fiabilité, la résilience et l’accessibilité financière que les Américains attendent de leur système énergétique.

C’est un message que les entreprises de services publics américaines – avec l’aide de l’AGA et des amis de l’industrie – devraient privilégier en continuant à positionner le gaz naturel et l’infrastructure de l’industrie comme une pièce essentielle du casse-tête de la réduction des émissions.

David Coburn est un penseur stratégique, un écrivain, un expert en relations avec les médias et un consultant en communication qui s’appuie sur plus de 30 ans d’expérience en journalisme imprimé et en relations publiques d’agences.